Il n'y a pas de plan.
Je viens du Sud-Ouest de l'Irlande et les gens parlent toujours du temps qu'il fait ici. C'est l'un des premier sujet de conversation et il s'intègre parfaitement dans la zone de confort du petit bavard. Nous vivons dans un climat maritime, à la merci des dieux du temps païen. En l'espace d'une journée, nous pouvons être exposés au soleil, à des pluies torrentielles et à des vents violents. Il n'est donc pas étonnant qu'il domine notre attitude, nos humeurs, notre façon de voir la vie et nos projets.
J'ai toujours été attiré par les conditions extrêmes, les paysages et les cultures qui sont, par nature, difficiles. À ma façon, j'ai essayé de comprendre comment les gens se forgent une vie dans ces endroits sauvages et frappés par le temps. Cette curiosité m'a amené à parcourir à vélo certaines des îles les plus éloignées de l'hémisphère Nord : L'Islande, les îles Féroé, les Hébrides.
Mon dernier séjour sur l'île du Jura, dans les Hébrides intérieures de l'Écosse, est un voyage qui restera définitivement gravé en moi. Organisé par Pannier.cc, nous étions en compagnie de Chris McNally, illustrateur de cyclisme exceptionnel, sa soeur Wren et le photographe Chris McClean. Ça allait être un bon voyage, avec des gens sympas et prêts pour l'aventure, ça ne pouvait pas tomber mieux.
L'île n'a qu'une seule route qui s'étend sur 30 miles du sud au nord depuis le ferry. Il n'y a pas d'aventures prédéfinies sur cette île, vous devez vous créer votre propre aventure. Et nous avons inventé la notre.
Après avoir parcouru 10 miles depuis le ferry jusqu'à notre campement dans un endroit magnifique surplombant la mer, nous nous sommes retrouvés autour d'un dîner chaud et savouré du whisky local. Nous nous sommes ensuite retirés dans nos tentes sous une pluie battante accompagnée de vents violents. Ce ne fut pas un accueil des plus chaleureux... mais le réveil fut accompagné d'un ciel bleu et d'une journée entière d'exploration devant nous.
Le problème de 'planifier' des aventures à vélo, c'est que... les plans ne fonctionnent jamais vraiment comme on l'a imaginé - et c'est justement ça - le 'plan'. Si bien pensé soit-il, c'est le fruit de notre imagination. Le plan passe généralement par la fenêtre lorsque vous roulez loin de chez vous et que des événements imprévisibles commencent à se produire. Comme le mauvais temps, le fait de se perdre, devenir paresseux... et ainsi de suite.
Nous avions donc 'prévu' de rouler jusqu'à une cabane sur la pointe de l'île où George Orwell s'est réfugié pour écrire. Mais nous avons perdu tellement de temps à acheter du whisky à la distillerie du Jura, des choux et de la nourriture pour notre dîner de camp dans le seul magasin de l'île, à discuter avec un fermier et sa femme qui se diversifient dans une entreprise de gin, que nous n'avions tout simplement plus le temps. Coincés donc au detour d'un carrefour, nous avons dû choisir entre George Orwell et un chasseur de cerfs Bothy (recommandé par le producteur de gin qui n'a probablement jamais fait de vélo). Nous avons alors décidé de renoncer à Orwell pour nous diriger vers le Bothy qui était... selon Komoot, à environ 10 km de là.
Il semblerait qu'en Écosse, le terme 'trail' recouvre une multitude d'interprétations extrêmement variées. J'ai fait l'expérience de ce que les gens du coin appellent des pistes en gravier, des pistes simples dignes d'un VTT à suspension complète. Et sur l'île du Jura, ce n'est pas si différent. Cette 'piste' était une ligne à travers la tourbière, légèrement plus sombre que le reste, créée par des hommes en bottes en caoutchouc tenant des fusils, à la recherche de cerfs.
Il s'en est suivi plus d'une heure à pousser nos vélos chargés (de chou et de gnocchis) à travers des monticules marécageux et d'herbes marines tout en se régalant de moucherons au point que nous ne pouvions plus nous arrêter de bouger. Même.pendant.une.seconde. Nous avons tout de même dû nous arrêter pour discuter du fait que nous ne roulions qu'à 4 km/h et qu'à ce rythme, il nous faudrait 2 heures de plus pour atteindre notre but, et ce, même si la piste était en descendante - sans compter la colline à remonter et les 30 milles à parcourir le lendemain matin pour prendre le ferry.
Encore une fois...nous avons renoncé au plan, nous sommes retournés sur la route et avons bu un peu de whisky. Le whisky a dû nous faire revenir à la raison, car ce n'est que lorsque chacun d'entre nous a eu sa part de la bière jurassienne bien connue sous le nom de 'Journey', que nous avons choisi le meilleur plan du jour : trouver une place dans une petite crique, faire du feu et faire un salade au chou et des gnocchis. Cela semblait être un bon plan... et c'en était un !
Notes: Photos : Chris McClean / Texte : Fiola Foley @ Komoot