Tour du Lozère, an autumn classic
« Quant à moi, je voyage non pour aller quelque part, mais pour marcher. Je voyage pour le plaisir de voyager. L’important est de bouger, d’éprouver de plus près les nécessités et les embarras de la vie, de quitter le lit douillet de la civilisation, de sentir sous mes pieds le granit terrestre et les silex épars avec leurs coupants. »
'Voyage avec un âne dans les Cévennes', Robert Louis Stevenson.
Robert Louis Stevenson était à la recherche d'inspiration pour écrire un nouvel ouvrage. Il avait aussi besoin de s'évader quelque temps, pour laisser derrière lui une douloureuse peine de cœur.
Il choisit alors de partir dans les Cévennes avec pour seule compagnie une ânesse.
Le massif des Cévennes s'étend sur quatre départements. On y trouve notamment le mont Aigoual, magnifique en-soi, mais aussi très connu pour le grand classique littéraire 'The Rider' de Tim Krabbe.
Ces montagnes sont visiblement capables d'inspirer les plus grands auteurs... et quelques cyclistes!
R. L. Stevenson parcourut environ 200 km en 12 jours, bien ralenti par le rythme nonchalant de sa compagne de voyage. Un compte-rendu plus récent nous vient d'un autre écrivain-voyageur – et accessoirement l'un des Pionniers de Chilkoot – que nous avons déjà retrouvé au Ventoux, dans le massif des Maures et à travers toute l'Europe. Lui aussi s'est nourri de ces romans d'aventure.
Et une classique d'automne était née...
Les Cévennes recèlent de routes presque désertes, de paysages très ouverts et, à cette époque de l'année, de couleurs chatoyantes. Petite échappée d'inter-saison ou pour tourner une page, un peu comme R. L. Stevenson.
l existe aujourd'hui un sentier de Grande Randonnée qui suit peu ou prou le chemin tracé par R. L. Stevenson et son ânesse autour et par dessus le mont Lozère. « Il nous a montré les paysages qui nous ont façonnés » s'accordaient à dire bien des Cévenoles de l'époque.
Cette maxime est encore valable aujourd'hui pour les cyclistes qui arpentent ces routes. Les chemins que nous empruntons façonnent nos mollets mais aussi nos esprits.
Les vastes plateaux calcaires de cette partie des Causses n'offrent pas les défis que d'aucuns attendraient, mais ces grands espaces sculptent les jambes en même temps qu'ils libèrent l'esprit.
Des sources du Tarn (mont Lozère) aux gorges du même nom juste en dessous, la route n'est pas aussi fréquentée que celles des Alpes-Maritimes, mais elle n'en est pas moins ardue.
De ces terres, un peu à l'image de notre col de Vence, au-dessus desquelles les charognards tracent des cercles dans le ciel.
Ils étaient probablement déjà là, ces vautours, en 1960, lors du terrible accident de Roger Rivière dans la descente du mont Aigoual.
Alors qu'il est à la poursuite du maillot jaune, il prend tous les risques pour suivre Gastone Nencini, excellent descendeur. Ils venaient de franchir le col de Perjuret ensemble et Roger Rivière était dans sa roue pour perdre le moins de minutes possible. Il en a perdu la course et ce fut la fin de sa carrière.
Antoine Blondin rapporte dans son article 'En travers de la gorge' (L'Équipe du 11 juillet 1960) : « Il gisait, à une vingtaine de mètres, en contrebas, dissimulé par un repli de terrain, frappé d'une sorte de paralysie qui lui interdisait le moindre geste, le moindre appel. Et toute cette nature qui l'entourait lui faisait un linceul rugueux. »
Le mont Aigoual a marqué à tout jamais le pauvre corps de Roger Rivière.
Le mont Lozère, tout proche, sculpte encore les vies de ceux qui cherchent à en tirer subsistance. C'est l'un des derniers recoins au monde ou la traditionnelle transhumance a lieu.
Le Tour de Lozère est l'une des dernières valses avec les montagnes avant l'arrivée de l'hiver. Les pensées commencent à s'engourdir avec la baisse du thermomètre et de la luminosité.
C'est un des derniers week-ends de sortie, mais comme l'a écrit R. L. Stevenson :
« lorsque le présent montre tant d’exigences, qui peut se soucier du futur ? »
Footnotes: Photos - Matthieu Lifshitz // Matthieu Perrusset // Tony Bidel