Une courte aventure
Il est 7h15 et on se prépare à quitter le campement lorsque les chiens arrivent. Leur propriétaire n'est pas avec eux. Au lieu de cela, on peut entendre le sifflement d'un sifflet venant depuis les arbres et appelant les chiens à revenir. Soudain, alors que les porte-bagages sont prêts et fermés, un coup de fusil transperce le silence à l'ouest. Avant que nous ne sachions ce qui se passe, trois autres coups de l'autre côté de la vallée, cette fois-ci en direction Est, envahissent notre campement de détonations de coups de feu.
Nous sommes EN PLEIN MILIEU d'une chasse au sanglier menée par des hommes vêtus de vêtements de camouflage orange vif. Et nous sommes tous habillés d'un ensemble noir et bleu marine avec des bagages couleur fauve. Simon est même sur un vélo vert camouflage avec des chaussures assorties. C'est l'heure de rouler, vite.
Aventure. À cette époque où les ordinateurs de navigation sont équipés de fichiers GPS soigneusement tracés, de circuits aux frontières et de visites guidées personnalisées, il est facile de ressentir le besoin d'aller encore plus loin pour trouver de l'aventure. Il est possible d'en faire plus, mais cela demande du temps, ce qui n'est pas toujours possible. Parfois, l'aventure a besoin d'être repensée.
Et c'est ainsi que nous nous sommes retrouvés sur une double piste de gravier à travers un flanc de montagne truffé d'hommes pointant des fusils aux abords des buissons sur chaque animal en mouvement qui pourrait être transformé en ragoût. Rendant la remontée de la DFCI (souvenez-vous d'eux depuis le G-Side du Ventoux) jusqu'au Col de l'Espigoulier bien plus intense.
Le mérite et l'inspiration de cette micro-aventure, de Marseille à ses montagnes, reviennent à James Olsen et Andy Cox. James est le fondateur du Rally Torino-Nice et Andy Cox alias @doubletrackfanatic est un aventurier nomade d'Europe et d'Amérique. Tous deux ont suggéré la 'nuit blanche' au cours des discussions de l'été dernier. 'Tu peux quitter du bureau à la fin de ta journée de travail et installer ton campement pour le coucher du soleil en quelques heures'.
S'échapper de la civilisation, dîner sur une terrasse verdoyante au coucher du soleil, s'émerveiller devant un ciel étoilé, se faire réveiller par les oiseaux, se chauffer un café sur le feu et revenir en vélo au bureau avant de pouvoir dire 'Trans Continental'.
En France, il est actuellement possible de débuter une aventure à la sortie de la porte. La vague de perturbation des Gilets Jaunes battant son plein dans une ville à l'histoire marseillaise qui sait que les choses risquent de déborder. Mais Simon et Matthieu sont des habitués et ne sont pas inquiets. Simon est un parisien qui, depuis son arrivée dans le Sud, est tombé amoureux de l'aventure que procure le vélo. Matthieu aussi depuis quelque temps et est un double vétéran de TCR. Tous deux sont designers et ils adorent dessiner des courbes loin du centre de Marseille.
Arriver à Gémenos après avoir dépassé le fiasco des zones industrielles et des centres commerciaux de Marseille, c'est comme traverser, en un instant, un grand fossé qui sépare la ville de la Provence rurale. Ce qui apporte ce sentiment de laisser derrière soi tous les soucis du travail et de la vie urbaine. Gémenos n'a qu'une seule boulangerie ouverte et une fontaine centrale. Un soleil d'hiver bas qui projette sa lumière et ses ombres sur les murs de couleur pastel habillés de volets en bois de couleur plutôt classique. C'est trop tentant de ne pas prendre un café et de ne pas regarder la vie locale prendre tranquillement son rythme.
Ne te laisse pas confortablement aller. Non seulement car cet état s'applique à l'arrêt du café, mais touche aussi à l'éthique du voyage. Ne jamais cesser de s'aventurer sous quelque forme que ce soit. C'est cet état d'émerveillement constant que favorise le cadence plus lente d'un vélo chargé. A cela s'ajoute l'aspect pratique de tester l'équipement pour des trajets plus longs.
Le Col de l'Espigoulier n'est qu'à 40 km au nord de Marseille et est le sommet du Massif de la Sainte-Baume. Ayant participé au Tour de France, à Paris-Nice et au Tour de la Provence, c'est un bel exemple de voirie française que vous trouverez de ce côté du Mont Ventoux. Une surface parfaitement lisse avec des courbes qui s'enroulent doucement vers le haut de la colline, ponctuée d'un ensemble de lacets se trouvant tel un serpent en sommeil au milieu de la montagne.
Tous cyclistes qui se respectent dans cette ville célèbre du Sud savent qu'il s'agit du meilleur passage d'escalade pouvant offrir une vue panoramique sur la baie en contrebas. Avec un chemin de gravier sur la face sud, c'est une destination idéale pour l'évasion en camping.
Comme pour toute aventure tout-terrain, le trajet ne s'arrête pas sur le bitume. Parce qu'il existe un D.F.C.I. - les voies de défense des forêts contre l'incendie - vous vous souvenez peut-être du D.F.C.I. de notre aventure sur le Ventoux G-side. Elles sont la solution pour trouver de l'espace et du calme avec un grand emplacement de camping niché dans les creux de la face sud de la montagne.
Cette voie aménagée dispose d'un ensemble de lacets et offre une vue imprenable sur la baie de Marseille. Le soleil baisse et laisse place à une de ces soirées où le ciel est pris en sandwich entre la mer et une couverture nuageuse, créant des couches contrastées de lumière douce réfractée dans un spectre aux tons gris, bleu et orange. Exactement ce que le mini-aventurier a commandé.
Le camp reste à être monté. Et il se trouve à côté du Refuge de Tuny, un abri communal typiquement français dans lequel il y a une cheminée, une table en bois et un vieux buffet avec des condiments, de la viande séchée et des sachets de pâtes à moitié remplis. On sent la fumée et la poussière, mais au milieu de l'hiver, on imagine qu'il y a plus d'animaux que d'humains qui franchisse la porte chaque jour.
Les tentes sont dressées, les matelas légers gonflés et les sacs en tissus synthétiques sont disposés les uns à l'intérieur des autres pour lutter contre le froid. Et le feu. Le campeur doit faire du feu.... mais pas en décembre. Le bois, (sauf si il est entreposé dans un abri pendant plusieurs semaines) est essentiellement et définitivement humide. Après de nombreuses tentatives, aucune étincelle ne s'allume et un réchaud se substitue au fur et à mesure que la nuit devient plus sombre.
En tournant, le vent se met à hurler. Pas de manière constante, mais par vagues qui semblent tracer les contours de la montagne. Il attrape d'abord l'extrémité des arbres, puis commence à les secouer jusqu'au tronc avant de sembler se glisser sur le sol vide entre les tentes. C'est Marseille, et c'est le mistral. Ce n'est qu'à 2 heures du matin que l'on commence à s'émerveiller des murs de pierres sèches du refuge à quelques mètres de là. Mais cela signifierait tout décamper et laisser entrer le froid. Mieux vaut dormir le mieux possible.
Se réveiller, dormir, se réveiller, dormir, ronfler, se réveiller, dormir, ronfler, se réveiller, ronfler. Et ensuite à l'aube, si il y a bien quelque chose qui vaut la peine de sacrifier son matelas et sa double couette, c'est forcément les premières lueurs de la lumière. Assure-toi juste qu'il y ait du café. Ici, ce n'est pas forcément le meilleur café. Tant qu'il est chaud avec une pointe de caffeine, c'est bon.
Puis sont arrivés les chiens, les fusils et la peur d'une mort imminente. En revenant au col, le mistral souffle si fort d'Ouest en Est qu'il est difficile d'avancer. Il est temps de rentrer à la maison. Descendre l'Espigoulier, c'est comprendre pourquoi les motards affluent aussi sur cette route. La descente rapide et fluide de la montagne permet au système de démarrage d'être maintenant parfaitement éveillé et opérationnel.
Il reste encore un peu de route à faire. Prenons le long chemin de retour vers la ville, en passant par Cassis et le Col de la Gineste. La Gineste est l'effort de la journée en vélo et sert ensuite de point de vue sur Marseille alors que la route descend en direction de la ville.
Au bas de l'avenue du Prado, nous passons devant une réplique de la statue du David de Michel-Ange, réalisée par le sculpteur et philanthrope marseillais Jules Cantini. C'est l'une des nombreuses copies de l'homme célèbre ; une imitation de l'original. Pour les visiteurs de la ville, c'est une surprise remarquable dans un endroit insolite. De retour à leur bureau, l'esprit plein et l'œil vif, Simon et Matthieu commencent à dessiner les formes de toutes leurs Aventures 2019. Chacun a son idée de la forme parfaite, mais il y aura de nombreuses ressemblances, y compris de mini-aventures plus courtes comme celle-ci.
Notes: Photos par Benedict Campbell