Tro-Bro Bretagne
Tout a commencé par une photo de Bernard Hinault, alias Le Blaireau. Monsieur Hinault, debout sur les rochers au style breton avec son gros pull en tricot semblait balayé par le vent tel un cycliste lancé à pleine vitesse.
La légende en dessous était simple : "Bernard Hinault, Bretagne, 1977".
Six heures depuis Paris ? Vraiment ? Six heures ? Tu pourrais presque aller de Calais au Ventoux en voiture avec ce temps !
La Bretagne ne pouvait pas être plus éloignée de chez nous, la Côte d'Azur, avec une distance d'environ 1500 km, dans ce coin polaire à l'opposé la plus parfaite du pays. Mais qu'il s'agisse de la riche histoire maritime et navale accompagnée d'un penchant commun pour la cuisine des fruits de mer ou d'un sentiment d'identité régionale, il existe bel et bien des thèmes communs qui relient les deux régions.
Mais, comme il est dit sur Inrng.com la Bretragne, 'c'est la France... mais différent'
Alors que la Côte d'Azur est le paradis des cyclistes professionnels d'aujourd'hui, la Bretagne se distingue par une histoire cycliste plus profonde. Lucien Petit-Breton, Jean Robic, les frères Bobet, Hinault, les frères Madiot et plus récemment Warren Barguil. Des hommes endurcis de cet autre côté du Nord de la France. Il est admis que l'histoire, la géographie et la météo qui battent la partie Ouest de la Bretagne, créent des cyclistes qui roulent de manière agressive et avec détermination. Des coureurs qui excellent dans le Tro-Bro Léon.
Le Tro-Bro Léon est un peu comme la Strade Bianche, une nouvelle course créée en 1984 pour les amateurs locaux. En 2000, elle s'est ouverte aux professionnels et s'est développée d'année en année. Il s'agit d'un événement unique illustré par le fait que la victoire du meilleur cycliste breton engendre la remise d'un porcelet comme prix - un clin d'oeil à la nature agricole de la région. Cela étant dit, se faire photographier avec son porcelet sous la douche n'est pas recommandé.
Cependant, la raison principale pour laquelle cette course est connue sous le nom de 'Le Petit Paris-Roubaix' est le 'ribinoù' - Breton pour tout ce qui va des pistes doubles non pavées aux chemins à voie unique. Les pistes doublent forment un parcours depuis ces superbes routes côtières qui traversent les dunes herbeuses et les rochers géants jusqu'à l'arrière-pays breton.
Suivre la route, c'est naviguer à travers un labyrinthe de vignobles agricoles qui partent de la côte sablonneuse et sillonnent les champs situés derrière, dont certains qui ont encore des cultures de maïs brun d'une hauteur impressionnante. Les ribinoù n'ont pas la réputation ou l'apparence redoutable des pavés du Nord-Est de la France. Toutefois, hors saison il y a des roches sur certaines sections qui pourraient faire autant de dégâts que les plus gros pavés.
La tête baissée, on se concentre sur les nombreux virages nécessaires pour se frayer un chemin entre les tronçons de goudron et de gravier en constante évolution qui entourent la ville de Lannilis. Il est vite facile d'en être désorienté.
Le temps est alors venu de faire une pause et de se rendre à Plouguerneau pour ce que le New York Times a déjà suggéré comme étant ' la pâtisserie la plus grasse d'Europe '.
Le Kouign-amann se compose des mêmes ingrédients principaux qu'un croissant, mais avec plus de beurre, plus de pâte et du sucre caramélisé ajouté. S'il s'agissait de watts par kilogramme au lieu de calories par portion, il serait Champion du monde. Est-ce une bonne idée à mi-chemin ? Seulement si vous l'arrosez du cidre local. Mais ne jugez pas trop vite car qui se souvient de l'histoire du jeune Hinault commandant une bouteille de vin pour accompagner son énorme steak avant le départ du Tour de l'Oise 1975 ?
Après la pause café la plus lourde de l'histoire des pauses café, il n'y a rien d'autre à faire que de se heurter à un peu plus de ribinoù. Au sud de Lannilis se trouve le pont rendu célèbre par la course et rendant sa popularité croissante grâce aux photographes du World Tour.
C'est une drôle d'expérience que de rouler dans des secteurs comme celui-ci hors saison à travers des passages souterrains agricoles qui ressemblent plus à de vieux morceaux de toitures. Il faut l'imagination d'un fan de cyclisme pour faire revivre l'ambiance.
En regardant la carte du Tro-Bro Léon on peut voir deux secteurs isolés à l'extrême sud-ouest du parcours. Juste au moment où vous pensiez qu'il n'était pas possible d'aller plus à l'ouest, il s'avère que vous le pouvez.
C'est une scène automnale magique qui nous accueille avec des puits de lumière perçant les arbres comme pour nous faire signe de nous concentrer sur ces chemins de légende. Un fermier apparaît sur le champ et nous présente sa qualité unique de terre. On lui demande s'il regarde la course chaque année. Bien sûr ! Il nous raconte ainsi l'histoire d'une moto qui s'est vu refuser l'entrée dans le secteur par un maréchal - la première fois qu'il vu les autorités policières se faire rejeter. Le cyclisme a de solides racines ici, c'est certain.
Après être arrivé aussi loin, il est évident de continuer vers l'ouest pour le coucher du soleil. Le Conquet est un village de pêcheurs considéré comme la ville la plus à l'ouest de la France métropolitaine. Le port est rempli de chalutiers à 'nez bulbeux' et de crabes rejetés qui reposent sur les rochers sombres faisant face à l'Atlantique avec comme prochain arrêt, l'Amérique. Il s'agit des rochers où un certain Blaireau a été pris en photo.
Photos : Benedict Campbell