Qu'est-ce qu'une Alpe?
Quelle est la définition d'une « Alpe » ? La question a de quoi déranger. Et qu'en est-il alors de l'adjectif « alpin » ?
Vous songez certainement à une montagne, un sommet suffisamment haut pour être imberbe, des pics que l'on s'imagine volontiers blancs. Ou plus simplement à du Toblerone... Plus sérieusement, c'est bien évidemment le terme « alpe » - qui signifie « montagne », « hauteur » - qui a donné son nom à la grande chaîne de montagnes qui traverse la France, l'Allemagne, la Suisse, la Roumanie et la Slovénie.
Mais les Alpes n'ont pas le monopole des « Alpes » ! Vous pouvez trouver des Alpes dans de nombreux pays, notamment en Australie.
Info de dernière minute : les alpes ne sont plus une exclusivité européenne.
Laissez-nous vous présenter les Alpes australiennes. Nos amis des antipodes ont leurs propres Alpes, et ils n'ont pas à en rougir car elles sont grandes. Très grandes. Pour vous en faire une idée, sachez que le haut plateau des Alpes australiennes (qui n'occupe que la partie australe de la Cordillère) est plus vaste que la Suisse... toute la Suisse.
Et comme tout groupe de masochistes à deux roues qui se respectent, les australo-cyclistes de l'État de Victoria n'ont qu'une idée en tête : atteindre ces sommets à la force des mollets.
C'est donc tout naturellement que le 7 Peaks Challenge est né : une compétition bon enfant ouverte à tous les cyclistes, du coin ou d'ailleurs, et consistant à gravir les sept routes alpines. Pour obtenir leur brevet, les participants doivent tout de même grimper les 8 000 m de dénivelé cumulé. Presque l'Everest.
Quelles sont donc ces routes alpines ?
Le mont Baw Baw, Lake Mountain, le mont Buller, le mont Buffalo, Falls Creek, Dinner Plain et pour finir le mont Hotham. Aucune consonance alpine, du moins pour nous, Européens.
Mais un certain Hollandais ne s'en est pas offusqué. Habitué à rouler sur terrain plat et par mauvais temps, Martijn est connu pour ses clichés sur Instagram (@imagehunters) et comme inventeur du concept #werideallweather. Bien qu'il soit plutôt habitué au froid (par choix ou par nécessité), ce hashtag l'oblige à aller chercher un peu de chaleur aussi. Et donc des alpes mais pas les Alpes... Vous nous suivez ?
Nous l'avons mis en relation avec l'équipe de Le Knicks, nos partenaires commerciaux à Melbourne, et le tour était joué. Ce sont des gens formidables qui sont installés au pied de cette Mecque du cyclisme depuis des années.
Les Alpes européennes sont nées d'une rencontre brutale. La Cordillère australienne, elle, est plutôt née d'un long déchirement.
Ses sommets trônent sur un plateau plat et régulier qui s'est élevé par l'accumulation de lave. De fait, ces Alpes ont été poussées calmement et progressivement vers le haut jusqu'à atteindre 2 000 m d'altitude. Elles sont plus longues, moins abruptes et aussi moins hautes que leurs cousines européennes (le mont Kosciuszko culmine à 2 258 m).
Fils d'un ancien professionnel (Peter était un coureur classique, il entraîne aujourd'hui l'équipe de cyclisme olympique néerlandaise), Martijn a bien évidemment fait le traditionnel pèlerinage dans les Alpes, et l'Alpe d’Huez, forcément. Le Col de la Croix de Fer aussi. Les Alpes australiennes devraient donc être du pain béni pour cet aventurier expérimenté, non ?
Nous irons donc droit au but : les 6,4 derniers kilomètres du mont Baw Baw et le premier des sept sommets. Une pente moyenne de 13 %. C'est une bonne entrée en matière pour ce banquet qu'offre la Cordillère.
Ernest Hemingway avait raison - surtout quand, comme Martijn, vous devez parcourir 1 500 km pour avoir le privilège de pédaler dans cette contrée :
« C'est en vélo que l'on apprend le mieux les contours d'un pays, puisqu'il vous faut suer sur les collines et descendre les côtes. Ainsi, vous vous en souviendrez comme ils sont réellement. »
La sueur justement, elle allait augmenter avec le début de la seconde montée, celle de Lake Mountain. Des pentes de 9-10 % sur les 5 premiers kilomètres, mais pas de joyeuses descentes dont parlait Hemingway, au mieux quelques faux-plat montants, plutôt faux que plats d'ailleurs.
Plus haut, ces alpes étrangères (pour nous) commencent à révéler leur propre personnalité. Les frênes tissent une toile de fond unique, bien que les conditions soient plus humides qu'à l'accoutumée. Ces arbres, communs à toutes les alpes, sont comme des ambassadeurs qui nous rappellent le Vieux continent.
Mais au fur et à mesure de l'ascension des monts Buller et Buffalo, les deux coureurs qui ont commencé leur journée comme étrangers sur cette terre savent que ce sentiment est sur le point de disparaître.
Certaines alpes sont plus chaudes que d'autres.
Et certaines sont même suffisamment chaudes pour faire fondre les caoutchoucs de vos chaussures. Trois sommets étaient au programme de la deuxième journée : Falls Creek, Dinner Plain et le mont Hotham. La chaleur était également au rendez-vous : 38 ºC.
Les alpes, mais à la sauce australienne : macadam brûlant, montées raides, aigles et loups... mais plus de wombats ni de koalas ! Et plus de 100 kilomètres à grimper. Les alpes, quelles qu'elles soient, ne sont jamais faciles à dompter.
À l'image de ceux qui les convoitent, il n'y a pas deux alpes qui se ressemblent.
Chacune est unique par sa personnalité, ses traits de caractère. Pourtant, la recette est la même : des hauts et des bas, des sommets et des vallées, des lacets et des vues de haute montagne.
La topographie et la géologie peuvent varier, mais les défis restent les mêmes. À l'image de ceux qui les convoitent.
Footnotes: Photographie : Darren Eger
