La dernière échappée #2
Imaginez un instant qu'il n'y en aurait plus qu'une, une seule sortie.
Un seul jour, un dernier chapitre, un dernier tour. De tous les kilomètres parcourus et de toutes les routes montées, qu'est-ce qui vous ramènerait à en faire l'expérience, une toute dernière fois?
A LA VITESSE DE LA MOTO À LA LIGNE ROUGE
Photographer chevronné // Artiste // @camillejmcmillan
Il y avait cette moto dans le garage, je ne l'ai jamais conduite mais je l'adore, elle me donne la vitesse.
La vitesse, c'est ce que j'aimais.
Ce n'était pas une grosse moto, une Honda CB125, et vraiment une moto standard, très ennuyeuse... mais cette chose m'a donné le fouet dont j'avais besoin. Le vélo était à mon père. Il en a mis plein la vue à tous les coureurs locaux, et il n'y avait rien de mieux qu'une journée d'été à se balader en le suivant.
Il y avait différentes sorties derrière la moto... un rapide 3/4 d'heure sur les routes de campagne, de part en part, s'il y avait un groupe d'entre nous ou, mon préféré, une machine en tête. A quelques kilomètres de chez nous, il y avait une légère, très très légère descente... droite avec un léger coude d'environ 2km de long. La plupart du temps, on sortait à deux avec le vieux pour faire ça. Tour à tour pour aller derrière le vélo. Commençant par le haut, le vieil homme le remontait, pas super rapide mais assez rapide pour devoir travailler dur pour se mettre derrière la moto. Un vrai effort et au moment où vous frappez la planche, vous étiez presque à plat dans le 52x13. Ce n'était pas une grande vitesse, c'était juste une question de bonne vitesse.
La planche était une construction en contreplaqué pour nous empêcher de frapper la roue arrière du moteur. Il y avait des marques noires tout le long, on montait jusqu'à cette planche et on essayait de laisser un peu de caoutchouc dessus. Le vieil homme remonterait le vélo. Quand j'étais enfant, j'avais une bonne vitesse de jambe, faire tourner le 52x13 était facile et quand j'étais en forme,c'était comme ci les pédales n'étaient pas là, tout était fluide. Il était facile de remonter jusqu'à la planche, de glisser de quelques centimètres et de revenir en arrière. S'il n'obtenait pas assez de vitesse, on frappait dans la planche et on criait ' plus haut ' pour qu'il l'enroulait plus fort. D'autres fois, il est allé un peu trop loin et s'accrocher à la planche a été une lutte pleine de douleur. Quand c'était le bon moment, c'était le bonheur.
Le léger pli dans la route arrive parfois plus vite que prévu et on pouvait perdre le contact, glisser sur le côté, se faire frapper par le vent et ruiner le sprint ; et là encore, quand ça marchait, c'était super. Il y avait une marque sur la route vers la fin... pas une ligne d'arrivée mais une ligne de rappel, c'était l'endroit où faire le tour de la moto. Faire le tour de la moto était une tâche impossible, se mettre à niveau et tenir le rythme, c'était une très bonne sensation. Le vieil homme retournait la moto, le moteur en arrière, récupérait l'autre coureur pendant que je récupérais en revenant, prêt pour la prochaine course.
Il y avait un silence derrière la moto. Oui, le moteur est bruyant mais il y a un silence dans sur le couloir de départ. Dès que vous sortiez de cette bulle, le son vous frappait comme un raz-de-marée, presque un mur de vent, le moteur de la 125 semblait rugir. Je suppose que tous mes sens étaient éveillés, tu étais en vie, le moment était tout ce qu'il y avait. Vivant, tirant dans l'air en sentant l'acide lactique s'accumuler, poussant la douleur plus fort jusqu'à éclater. Vous vous demandez peut-être 'pourquoi?'
Vous vous demandez peut-être pourquoi, pas une course au titre complet, un sprint du peloton ? C'était différent... c'était l'a ligne d'arrivée contre les autres.
Peut-être que maintenant les gens s'entraînent différemment. Un temps alloué dans une certaine limite..... le faire d'une seule traite de nouveau, en essayant de vider à la ligne. Mais pour moi, il manque la poésie qu'apporte la ligne rouge qui indique jusqu'où vous pouvez aller... son autre poème.
Être derrière la moto c'était quand le monde avait raison, quand le vie était facile. J'ai tourné les jambes, mon vélo flottait sur les routes... sans la moto qui fait tourner le monde.
Parfois, quand on est sur la route, ou pendant les courses de cyclocross, le coup de fouet n'était pas là, mais on n'avait pas besoin de la moto pour atteindre la vitesse, la moto a fait son travail.
Et donc, je me devais d'y retourner et prendre une autre bonne chose...la vitesse.
Dernière sortie ? Mettez-moi derrière cette moto, laissez-moi frapper cette planche encore une fois.
PÈRE & FILS SUR LA CÔTE D'AZUR
Champion National Dannois // Cycliste Pro // @akcph
Ma dernière course serait très certainement sur la French Riviera. Mon père me rejoindrait, et nous partirions de là où je vis, à Beaulieu-Sur-Mer. Je l'emmènerais jusqu'à la Turbie, ce qu'on pourrait appeler l'entrée. De la Turbie nous prendrions la direction du Col De Braus. Une montée exceptionnelle de 10 kilomètres, avec un plateau à mi-parcours. Ce plateau facilite la première vraie ascension et permet de voir la vue que l'on a en remontant le Col de Braus avant d'atteindre les fameux virages en lacets.
Après avoir franchi le Col de Braus, c'est direction Sospel, en bas de la montagne. À Sospel nous visiterions la boulangerie local pour recharger nos batteries avant le Col de Turini. Quand nous roulons de Sospel en direction du Col de Turini, une ascension de 24 kilomètres de long, la vue est à couper le souffle. Pas pour sa beauté mais pour sa nature sauvrage. En grimpant sur un peu plus de 17 kilomètres dans ce paysage rocheux et accidenté fascinant, vous ne vous retrouverez pas dans les bois. Mais soudain, alors que les épingles à cheveux recommencent, la verdure vous entoure ; le complet opposé à ce que vous aviez eu affaire jusqu'à maintenant. C'est nouveau et stimulant - le rêve de tous cyclistes.
Quand nous redescendrons vers L'Escarene nous commencerions à remonter les étroites routes vertes qui nous emmènerons vers Peille et de Peille à La Turbie. Je ferais mon père s'arrêter pour un autre pause rapide (après tout, c'est ma dernière sortie) cette fois ce serait pour profiter d'une énorme glace à La Turbie, avant de redescendre vers Beaulieu-Sur-Mer. De la Turbie jusqu'au village d'Eze puis jusqu'en bas à la côte. Nous n'aurions pas vraiment à pédaler, mais la vue est à couper le souffle.
Le soleil qui se reflete sur la mer, la mer qui est d'un bleu transluscide. Les montagnes qui sentent l'été, le sentiment de liberté et l'ambiance de la French Riviera.
SOUS LA NEIGE - EN AUSTRALIE
L'âme d'un coureur // Amoureux de l'hiver //@mr.henry.y
L'Australie n'est pas le premier endroit qui vient à l'esprit quand on pense à une destination pour faire du vélo ; après tout, c'est le continent le plus plat du monde.
Cependant, nous sommes chanceux à Vicoria. Nous n'avons peut-être pas les plus hautes montagnes, mais elles sont belles. Une de mes boucles préférées est celle qui inclue Mt Donna Buang et Lake Mountain via Acheron Way. Si je devais choisir une dernière course ce serait celle-ci, en hiver, avec les sommets eneigés.
Lake Mountain est un alpin, avec un somment à 1400m, la végétation devient véritablement alpinne. Les arbres gris et maigres à cause des incendies dévastateurs qui ont eu lieu dans la région il y a quelques années.
La majeure partie d'Acheron Way est du tout-terrain, ce qui veut dire que le traffic routier y est moindre. C'est une belle route étirée ; la section de gravier cédant place à des routes lisses et vides, le soleil filtré et scintillant à travers les particulièrement grands frênes . Bien des fois, en glissant sur cette route, j'ai pensé que si jamais j'avais besoin de convaincre quelqu'un de faire du vélo sur route, je l'emmènerais par ici.
Mt Donna Buang ; Les moments les plus mémorables sur le vélo ont été, indubitablement, l'ascension et la descente. Mémorable pour l'exceptionnelle beauté de l'ascension de cette montagne couverte de neige et aussi pour l'incroyable souffrance de la descente par des températures négatives avec un vent brutalement glacial. Vous n'oubliez pas cette douleur.
En montant dans la neige, vous ne remarquez pas le froid ; maintenu au chaud par la chaleur de votre effort et un vent minimal, vos multiples couches de maillot, gilet et veste battent des ailes lorsque vous essayez de réguler votre température. La seule chose qui trahit le froid est le souffle qui sort de votre bouche à chaque respiration laborieuse.
La descente ; c'est une autre histoire. Vous ne restez pas chaud parce que vous ne pédalez pas. Vos doigts sont si froid qu'ils sont douloureux . Vos épaules et votre cou . C'était ma première descente sous la neige. J'ai depuis appris qu'il fallait apporter avec soi un sac de maillots et vestes de rechanges et plein de gants.
Mais je remonterais le mont Donna Buang dans la neige en un clin d'œil. C'était, et c'est toujours, la plus belle balade que j'aie jamais faite. Donna Buang est une montagne recouverte de forêt tropicale ; quand il neige, toutes les fougères et les sorbiers de 20 m de haut sont recouverts de poudre blanche.
Ceci, avec le brouillard de la neige fondante qui s'évapore lentement sous l'effet du soleil, présente une scène d'une blancheur complète. La plupart du temps, les voitures sont garées sur les abords de la route pendant que les parents emmènent leurs enfants jouer dans la neige ; c'est compréhensible comme c'est une scène sortie tout droit d'un conte de fée.
Ma dernière balade se terminait avec une gorgée de whisky dans ma flasque Stanley rangée dans la poche de mon maillot.