Chilkoot, l’équipe originelle des pionniers à vélo, a réuni 7 pilotes à la gare SNCF de Carpentras et a remis à chacun d’entre eux un véritable Roadbook que l’on pourrait trouver en rallye. Les cyclistes se sont présentés et ont expliqué comment ils ont choisi leurs montures. Une seule machine de course en carbone face à 6 vélos de cyclocross/gravel/tout terrain. La section des pneumatiques varie de 28 mm ‘cut-slicks’ (comme on dit dans le jargon du sport automobile) à 40 mm pour des pneus tout terrains jusqu’aux pneus neige cloutés de Guilhem. Peut-être que son équipe avait reconnu les étapes et savait certaines choses que le reste des compétiteurs ignorait.

La première liaison a vu les 7 pionniers arriver des remparts extérieurs de Crillon-de-Brave où les pancartes des chronométreurs annonçaient le départ du shakedown stage (Comme sur une étape de rallye WRC, le « shakedown » est une étape de test courue à pleine puissance suivie par la première étape de la compétition courue à la nuit tombée). La route du shakedown se découvrait au premier plan, menant à Bédoin et au-dessus de ce village au Mont Ventoux, toujours omniprésent. Une gentille entrée en matière au format rallye, un test pour l’homme et sa machine.

Spéciale 1….5, 4, 3, 2, 1…ALLEZ…Brouillard rouge et lumières rouges. La première épreuve détermine l’ordre de départ pour l’étape du lendemain. Les machines en carbone ont rapidement montré qu’elles et leurs pilotes étaient plus rapides que les autres lors de la montée facile du Col de la Madeleine (qui ne doit pas son nom à notre veste légère, qui s’est d’ailleurs avérée très utile en tant que quatrième couche le jour et la nuit suivants). Les coureurs attaquent le tunnel de lumière devant eux, chassant le reflet rouge provenant de l’arrière du concurrent pionnier situé devant eux. Roulez jusqu’à ce que vos jambes vous brûlent, accrochez-vous jusqu’au sommet du col et descendez aussi vite et le plus prudemment possible. Que du Plaisir.

Une fois les chronos vérifiés et les entrées du roadbook terminées, les 7 pionniers partirent en groupe vers Malaucène pour diner et rejoindre ensuite le parc fermé. Il se trouve, justement, que le parc fermé se trouvait être la tente où les pionniers dormaient…à -4°C…Jamais le collant à bretelles Martine et le maillot de corps Cosette n’ont été autant apprécié.

Fidèles à l’esprit rallye, un coucher tardif et un lever aux aurores viennent tester la résistance physique et mentale des pilotes. Le roadbook stipulait que le premier concurrent s’élancerait sur la Spéciale N°2 à 8h : un contre-la-montre avant le petit-déjeuner suivant une nuit hachée. Cet événement est important.

D’accord, le Mont-Ventoux n’était pas l’étape finale du Rallye Monte-Vélo mais il constituait certainement la montée finale pour le classement général. Après la Spéciale N°2, les Pionniers prennent le temps de se réchauffer dans la cuisine de la seule boulangerie ouverte de Bédoin. Cette boulangerie est un microcosme de la Provence rurale. 5 vieux hommes sont assis près du four à bois, refaisant le monde et trouvant des solutions aux malheurs de notre planète tandis que les Pionniers avalaient leur dose de caféine ainsi qu’un pain au chocolat avant de se diriger de manière hésitante vers la ligne de départ.

On en aurait eu bien besoin au Chalet Reynard. Après s’être arraché au fil des 11 kms de montée infernale à travers la forêt, une erreur de navigation nous a fait nous demander où se situait la ligne d’arrivée. Le vainqueur de l’étape, Denis, a hurlé derrière nous pour indiquer que nous partions vers Sault et pas vers la finish-line. Voilà à quoi mène une heure de roulage à bloc en janvier. Résultat : 2 minutes de gagnées et une place au classement général.

Après la Power Stage et l’Etape de Liaison mentionnée ci-dessus, les 7 Pionniers continuèrent vers les prochaines étapes. Sur le papier, ces spéciales ressemblaient à des jeux d’enfant comparées à la Power Stage. Mais les contreforts du Géant de Provence ondulent comme une mer sous la tempête et les organisateurs de Chilkoot ont conçu le parcours pour qu’il pique vraiment les jambes.

Les pilotes de rallye décrivent souvent le ‘brouillard’ rouge qui descend durant une compétition. La vision des pilotes sur la ligne de départ, l’anticipation de l’étape après avoir lu le roadbook, le décompte des chronométreurs ont tous contribué à créer un climat propice à l’attaque maximale. Courir ‘à bloc’ est devenu la thématique d’une très longue journée. Dans le langage auto, on parle d’être au rupteur sur chaque étape.

A l’arrivée de la Spéciale n°6, nous avions besoin de faire une pause, sinon c’était explosion en vol garantie. Le crépuscule approchait et la température replongeait vers les 0 degrés avec des prévisions annonçant de la glace sur la route. Le commissaire de course, pour qui la sécurité des coureurs était primordiale, décida par conséquence d’annuler les 2 dernières Spéciales et obligea les concurrents à se rendre directement vers l’Atelier.

Il se trouve que cet atelier était aussi le parc fermé de nuit qui se situait dans une maison de chasse, au beau milieu de nulle part. Une liaison de 30 km divisa le groupe des mercenaires en deux étant donné que les cyclistes les moins habillés décidèrent d’accélérer le tempo pour rejoindre plus rapidement le support course. Des bières fraîches, de la charcuterie et la meilleure daube de sanglier au monde attendaient les valeureux coureurs dans une cuisine remplie d’ustensiles, de trophées de chasse et d’eau de vie, forte, très forte ! De quoi reprendre du poil de la bête avec des histoires de rallye, de filtres à air et d’huile remplis d’éclats de rire ????

Le dernier jour, les podiums finaux furent attribués et les récompenses, des belles et grandes bouteilles de bière Velosophe, furent distribuées. Il s’agissait de la grande première du Rallye Monte-Vélo et 7 Pionniers étaient partis à l’aventure, dans l’inconnu le plus total, et en avaient terminé avec rien, si ce n’est du respect pour chacun d’entre eux (et du dédain pour les organisateurs…)

Le Rallye Monte-Vélo est un événement unique en son genre dans un lieu mythique. 95 km d’Etapes Spéciales (en langage cycliste, des contre-la-montre) avec 145 kms de liaisons, autour et au-dessus du Mont Ventoux. Au mois de janvier. Cela vous tuera ou vous rendra plus fort.