Adrien Liechti.
La solitude du cycliste d’ultra-distance…
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L'athlète Café du Cycliste d’ultra-distance Adrien Liechti est sur la route depuis octobre… Nous le retrouvons après sa troisième place lors de la course Tassie Gift en Tasmanie pour en savoir plus sur la vie d'un cycliste itinérant.
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Ta vie nomade à vélo te permet de vivre des aventures uniques. Qu'est-ce qui t'a attiré dans cette quête hors des sentiers battus ?
Ce qui m'attire dans le fait d'être un nomade, c'est la liberté – casser le cadre traditionnel métro, boulot, dodo. Ça fait trois ans que je vis en nomade, sur mon vélo. Ce que j'ai perdu en confort, je l'ai gagné en liberté, sans aucun doute. La plus grande richesse, c'est d'avoir le temps de rester dans un endroit et de ne pas avoir trop de plans. Ça me permet de rencontrer des gens à différents endroits.
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Ces derniers mois, tu as traversé des lieux incroyables comme l'Australie, la Malaisie et la Thaïlande. Comment ces aventures ont-elles enrichi ton expérience de cycliste ?
L’Australie et la Tasmanie étaient des endroits que je ne connaissais pas du tout, vraiment différents. Par exemple, en Australie, la culture est totalement différente. Les gens ont une manière de penser et de faire les choses complètement différente. J’étais presque plus dépaysé en Australie qu’au Maroc. En Australie, j'ai rencontré beaucoup d'amis que je connaissais par les réseaux sociaux et le monde du bike-touring. On est aussi confronté à la nature, surtout avec les animaux sauvages. En Tasmanie, j'ai vu plein d'animaux, surtout la nuit – jusqu'à 300 ou 400 rencontres par nuit. Il y a des petits kangourous nocturnes qui te réveillent. Ou, lors de mes balades nocturnes, je les voyais traverser la route, attirés par les phares du vélo. Ils traversaient souvent juste devant moi. Lors de la course en Tasmanie, j'ai roulé presque toute la nuit pendant sept nuits.
En Thaïlande (où je suis actuellement), plus rien ne me surprend. C’est un voyage facile comparé à l’Australie. En Australie, tout le pays est dangereux. Ici, c'est facile : il y a de la nourriture partout, des gens presque partout, et les locaux sont très accessibles (même si peu d'entre eux parlent anglais). Ceux qui le parlent ont souvent voyagé ou vécu à l'étranger et appartiennent à une certaine classe sociale. En ce moment, je voyage avec un ami, et on dort dans des temples. La communication à la campagne est un peu compliquée. En Malaisie, en revanche, indépendamment du statut social, beaucoup plus de gens parlent anglais, ce qui facilite les déplacements.
Dans les régions reculées d'Australie, il peut y avoir de 200 à 400 kilomètres entre les points de ravitaillement. Hors des sentiers battus, cela peut prendre plusieurs jours, il faut donc prévoir suffisamment d’eau et de nourriture. Il est essentiel d'avoir des vêtements imperméables, car il pleut beaucoup en été, ainsi que du matériel adapté pour se protéger du soleil. Comme il n'y a pas de réseau téléphonique, un traceur fiable est indispensable. Et en cas de problème, il faut pouvoir demander de l’aide. Des voyages comme celui-ci demandent donc une préparation minutieuse.
Quand tu es seul sur la route pendant des heures ou des jours, qu’est-ce que tu ressens ? Est-ce un défi mental ou une forme de méditation pour toi ?
Lors de mon trajet vers Uluru, j’ai roulé pendant 17 jours seul. Vraiment seul – j’étais sur mon vélo sans personne autour, et il y avait peu de monde. Je devais croiser au maximum deux personnes par jour. Je savais que la solitude faisait partie de l’aventure, et que ça allait être difficile. D’autant plus que chaque jour, il faut faire un gros effort pour atteindre un endroit 'sûr' où tu peux trouver de l’eau, te reposer et te laver – donc il faut beaucoup rouler. C’est épuisant, et je me suis vraiment senti seul. Tu finis par trop réfléchir aux moindres problèmes… Si ça dure longtemps, ça peut être vraiment lourd. En Australie, je n’ai pas eu de réels soucis, mais je pensais constamment : 'Quand vais-je trouver de l’eau ? Ai-je assez de nourriture ? Quel temps va-t-il faire ?' C’est une question d’organisation, et ce n’est pas vraiment méditatif. J’étais assez inquiet, car si tu fais une erreur en Australie, il faut appeler à l’aide. Heureusement, tout s’est bien passé et il n’y a eu aucun problème.
As-tu des stratégies pour combattre les moments de solitude?
J’écoute très peu de musique, mais je me fixe des objectifs à court terme. Ça dépend du déroulement de la journée, que je divise en deux ou trois parties, pour voir où je pourrais m'arrêter entre-temps. C’est ce qui était difficile en Australie : comme il n’y a rien entre les points de ravitaillement, tu t'engages pour dix heures de vélo, et c'est tout. Sinon, pendant les courses, mon esprit vagabonde un peu quand je suis fatigué, et je commence à penser à autre chose.
Il y a des endroits où j’ai eu des rêves très intenses, comme à Uluru. C’est un lieu mystique, très important pour les peuples aborigènes australiens. Ils disent que c’est là où les rêves sont créés, et je l’ai vraiment ressenti…
Il y a un équilibre à trouver entre la solitude et les moments de connexion humaine. Peux-tu partager une rencontre mémorable que tu as faite lors de tes voyages ?
Oui, je planifie mes voyages de manière assez simple. Je peux être seul pendant 10 jours ou deux semaines, mais ensuite, je m'assure de passer du temps avec d'autres personnes. Depuis le 1er janvier, je suis avec quelqu'un, mais avant cela, j'étais seul pendant presque deux mois (avec quelques rencontres et segments de route partagés, bien sûr, mais la plupart du temps en voyage solo). Dans quelques semaines, je retrouvererai d’autres amis lors des prochaines courses auxquelles je participe. Donc, ça va – j'alterne.
Une rencontre vraiment mémorable a eu lieu en plein cœur de l'Australie. Après avoir roulé 250 kilomètres sous une chaleur de 45 °C, je me suis arrêté dans une station-service et j'ai rencontré un voyageur français d'environ 25 ans, qui avait roulé de la France jusqu'en Australie. On a passé du temps ensemble à échanger nos expériences de voyage à vélo. On est toujours en contact. C'était une superbe rencontre. J'ai même une photo !
Souvent, les personnes les plus intéressantes que je rencontre sont celles qui ne sont pas sur les réseaux sociaux. Il y a des gens qui font des choses bien plus incroyables que ce qu'on voit en ligne.
Qu'est-ce qui t'a attiré dans la course du Tassie Gift ?
Le Tassie Gift est une course que je connais depuis 2019, et elle m'a toujours fasciné pour plusieurs raisons. Elle est assez longue (1 800 km) et c'est du vrai VTT. La Tasmanie est très peu peuplée, et la météo y est très difficile. Elle peut changer en deux minutes. Il peut pleuvoir et faire 5 °C, donc tu mets ta veste de pluie, puis deux minutes plus tard, le soleil perce, il fait 25 °C, et tu sens que tu es en train de brûler. Je n'ai jamais su comment m'habiller correctement – c'était fou. Ce qui m'a le plus attiré, c'est que c'est une course très difficile et relativement méconnue. En plus, l'organisatrice est vraiment passionnée. C'est une scientifique, qui met beaucoup d'efforts dans son événement. Le parcours GPS est parfait, car elle passe beaucoup de temps à rouler en Tasmanie elle-même. L'événement est aussi unique dans le monde du bikepacking car l'inscription est gratuite.
Peux-tu décrire ton expérience pendant cette compétition ? Quels ont été les moments forts et les plus grands défis ?
Le plus grand défi a été que je suis tombé malade et je n'ai pas pu manger du troisième jour jusqu'à la fin de la course. J'ai passé presque toute la course à boire du Coca et à essayer de manger. J'ai aussi été surpris par les températures très basses – on a eu de la neige à -5 °C, et la première nuit la température est descendue à -6 °C. Il y avait aussi beaucoup d'arbres tombés à cause des tempêtes et du vent. Dans une section, il y avait peut-être 200 arbres abattus. On a dû grimper par-dessus, ce qui était très difficile. Parmi les moments forts que j'ai vraiment appréciés, il y a eu la traversée de la côte ouest de la Tasmanie. C’est un endroit très sauvage, avec un climat rude – des vents forts, des pluies fréquentes, des températures froides, et une végétation unique. Le terrain est extrêmement rocheux et impitoyable. Un autre moment génial a été de rouler autour de Derby, sur la côte est. C’est un lieu très réputé pour le VTT. Il y avait beaucoup de monde sur les sentiers pendant la course, c'était incroyable.
Quels facteurs mentaux et physiques t'ont permis de réussir cette course exigeante ?
Pour un Européen, c’était un défi de rouler là-bas, car c’est un monde complètement différent. J’ai fait beaucoup de recherches avant de partir. J’ai contacté des gens qui vivent et roulent là-bas, y compris le gagnant de l'année précédente, et nous avons discuté de l’équipement, de la disponibilité de la nourriture, etc. L’une des difficultés était les horaires des magasins et des restaurants. En Australie, certains magasins ferment à 15h00, ce qui peut être problématique si tu arrives trop tard. Un défi spécifique a été de traverser une rivière en pleine course. J’ai raté le ferry de deux heures, donc j’ai dû dormir neuf heures sur le bord de la rivière en attendant le suivant. Si je n’avais pas été malade, je pense que l’expérience aurait été différente. J’ai terminé 3ème, mais avec une pénalité de trois heures. J’ai raté un tournant quelque part, c’était ma faute. C’est comme ça. Ça demande beaucoup de travail mental. J’étais lent, fatigué et en hypoglycémie, mais j’ai pris ça avec philosophie et j’ai rigolé. C’était amusant avec du recul. Physiquement, ça allait. Je commence à acquérir de l’expérience avec ce genre de course, donc je sais mieux comment les gérer.
Ton vélo et ton équipement sont tes compagnons de route. Quels objets ou vêtements sont essentiels pour toi, notamment sur de longues distances ?
La veste de pluie Suzette de Café du Cycliste a été absolument essentielle. J’étais un peu inquiet de mes précédentes vestes de pluie, mais ce nouveau matériau était incroyable, il a parfaitement fonctionné. C’était l’élément central de mon équipement en Tasmanie, car il pleuvait un moment puis ça s'arrêtait. Parfois, je roulais même sous le soleil avec la veste de pluie. Un autre élément crucial est un bon cuissard. J’utilise le cuissard Eva, avec des poches cargo. C'est très important d'avoir un bon cuissard, car je le lave et le porte tous les jours. (Je porte le même depuis fin octobre et j’ai roulé environ 9 000 km avec. Il tient encore super bien !) J’ai aussi besoin d’une bonne doudoune pour les activités hors vélo. C’est un vêtement polyvalent que j’utilise pour dormir ou comme couche supplémentaire.
Pour ceux qui rêvent de combiner cyclotourisme et compétitions, quel conseil leur donnerais-tu ?
D'abord, concentre-toi sur l’organisation de ton équipement, l’optimisation de la logistique et prends soin de tes pieds ;).
Actuellement, il n’est pas possible de briller dans les compétitions tout en voyageant. Les personnes qui gagnent les courses aujourd’hui sont des semi-professionnels qui s’entraînent comme des pros. Ils arrivent aux courses prêts à performer, puis rentrent chez eux pour se reposer ensuite. Tu dois être bien reposé et mentalement frais. Le repos est très important.
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Quelles sont les clés pour réussir une course d'ultra-distance, mentalement, physiquement, et en termes de matériel ?
Tout d'abord, il faut vraiment en avoir envie et rester motivé. Jour après jour, tu vas faire face à des défis, et certains jours seront difficiles, te faisant remettre en question tout ce que tu fais. Lorsqu'un problème se pose, il s'agit de trouver des solutions. Ce ne sont pas les événements qui sont difficiles, c'est ta réaction face à eux. Il y aura toujours des imprévus, et il faut rester optimiste et préparé. Aussi, ne te mets pas trop de pression. L’objectif est de terminer en respectant les règles. Je fais toujours des recherches sur les courses auxquelles je vais participer et j'arrive dans le pays à l'avance, en parcourant 5 000 kilomètres dans des conditions similaires avant la course. Cela m’aide à me familiariser avec la météo, les gens, la nourriture, et à savoir comment gérer les animaux (par exemple, les chiens dangereux ou les serpents). J'apprends beaucoup en voyageant.
Qu’est-ce qui t’attend en 2025 ?
Ma prochaine course est en Malaisie dans trois semaines. Je vais voyager dans un pays que je connais peu, où il y a encore des éléphants et des tigres sauvages. J’ai vraiment envie de croiser des éléphants sur la route. Je les ai déjà vus en Afrique, mais ce sera différent. Le climat sera aussi un défi – il va pleuvoir et faire une chaleur écrasante. Ensuite, je participerai à une course de VTT dans les Balkans en mai, la Trans Balkan. Après ça, rien n'est encore sûr. Peut-être que j'irai au Japon à la fin de l'année, et j’aimerais aussi faire quelque chose dans les montagnes ou dans un désert pour le VTT. Et puis, je vais avoir 40 ans cette année, mais je n’ai encore rien prévu pour cette occasion.
Restez à l'écoute pour plus d'aventures… et joyeux anniversaire en avance Adrien !
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