Les Courses Disparues #3 : GP de Monaco
La nuit précédant la course, Eddy Merckx est arrivé à Monaco avec pas moins de six coéquipiers Molteni. La mission était simple. Commencer rapidement, distancer le groupe et rendre la course difficile pour tous les coureurs.
C'est exactement ce qu'ils ont fait lorsqu'ils ont quitté la Principauté le jour suivant et se sont aventurés vers l'Ouest sur la Basse Corniche. En arrivant à Villefranche, la dernière ville avant Nice, le peloton se réduisait considérablement, passant de 140 à 21.
C'est parti.
La course qu'il était en train de dominer sans partage était le Grand Prix de Monaco, la suite de notre série Les Courses Disparues - les courses perdues de la Côte d’Azur
Les mots 'Grand Prix' et 'Monaco' sont généralement associés à des images de la Principauté avec des bruits de moteurs vrombissant. La version cycliste, à l'image de son homologue motorisée, attirait les plus grands : Bobets, Geminiani, Merckx, de Vlaeminck, Roche et Kelly pour n'en citer que quelques-uns.
Courue généralement en février, comme la plupart des autres Courses disparues de la Côte d'Azur, c'était une bonne occasion de tester sa forme en début de saison. Et avec un nom et un lieu attrayants, les livres d'histoire nous montrent de nombreuses équipes cherchant à contrôler ce qui s'avérait être une course incontrôlable.
Molteni, Renault-Gitane, Peugeot… tous ont essayé de mener la course avec une équipe de cyclistes.
Le parcours n'était pas une promenade tranquille sur le littoral et se terminait par un sprint final, comme les grands cyclistes allaient le découvrir. Les cyclistes parcouraient quatre fois Les Trois Corniches, les trois routes du littoral creusées dans la montagne reliant Nice à Menton – commençant par la Basse Corniche à côté de la mer, puis parcourant trois fois la Moyenne Corniche découpée dans la roche environ 200 à 400 m au-dessus et le dernier tour jusqu'à la Grande Corniche allant presque jusqu'au sommet.
Trois tours de cette boucle digne d'un James Bond permettaient d'éclaircir les rangs avant le point crucial de la course.
La montée du Château de Madrid, arrivant après environ 150 km, reliant la Moyenne Corniche et la Grande Corniche, c'est là généralement que la sélection se faisait. C'est uniquement une montée de 2 km mais la pente ne se radoucit pas jusqu'au point de vue Saint-Michel, surplombant les propriétés les plus chères au monde situées sur le Cap Ferrat. Une fois sur la Grande Corniche, le parcours se poursuit avec d'autres montées jusqu'au Col d’Èze.
Tactique : attaquer jusqu'à Saint-Michel puis maintenir le rythme jusqu'en haut d’Èze avant la descente sur Monaco.
Les fameux membres en noir et blanc de l'équipe Peugeot sont arrivés en 1981 dans le cadre de leur préparation à la saison.
Cette équipe comprenait le cycliste Irlandais tout juste devenu professionnel, Stephen Roche. Ce fut l'année de son ascension. Il gagna le Tour de Corse, battant un certain Bernard Hinault et remporta également le Paris-Nice. (avec le recul, peut-être un signe avant-coureur de sa passion pour le Sud de la France.)
Roche était dans le groupe de tête lorsqu'il entama la colline du Château de Madrid et profita de cette position pour s'élancer vers la victoire.
Mais il n'est pas arrivé à se défaire des cyclistes français Bernard Bourreau et Jean-René Bernaudeau. Ces trois-là ont descendu la grande corniche en direction de Monaco et c'est Bernaudeau, actuellement directeur sportif de l'équipe pro-continentale Direct Énergie, qui remporta le sprint. Roche arriva deuxième.
Deux ans plus tard, lors de la dernière édition de la course, l'autre cycliste Irlandais connu des années 80, Sean Kelly, s'est retrouvé dans un peloton lancé à la poursuite d'une échappée menée par un Kim Anderson en forme qui a fait l'échappée lors du troisième passage dans Monaco.
Perdant encore 2'40' lors de la montée du Château de Madrid, le peloton resté mené, seul Kelly avec ses compétences notoires en descente pouvait imaginer rattraper l'échappée en descendant la Grande Corniche en direction de Roquebrune.
Mais une fois encore, la complexité du parcours rendait toute prévision impossible. Anderson, roulant pour Coop – Mercier – Mavic, a réussi à l'emporter de 14 minuscules secondes. Kelly sprinta, ajoutant par la même occasion son nom à la liste des illustres deuxièmes.
Mais si un grimpeur, un sprinter et un coureur de classiques n'ont pas pu remporter le GP de Monaco, est-ce qu'il pourrait être à la portée du Cannibale ?
Comme au cinéma, les feux d'artifice se déclinaient sur cette petite route avec la villa de style espagnol. Le Français, Désiré Letort, attaqua en premier. Merckx répondit. Puis son compatriote Belge, Frans Verbeeck, a donné les derniers coups de pédale en appuyant au plus fort. Ils n'ont pas réussi à se défaire de Merckx et de ses deux coéquipiers Molteni.
Le groupe des 21 est passé à neuf et les chances étaient du côté de Merckx pour le sprint sur le port de Monaco. En pleine confiance, il s'est lancé en premier mais Verbeeck s'est approché de lui à 200 m de l'arrivée et remporta l'une des plus grandes victoires de sa carrière.
Verbeeck, réputé comme étant l'un des coureurs les plus solides de l'équipe Flandria a continué à être obsédé par l'idée de battre Merckx lors d'un des Monuments .
Peut-être que cette obsession trouve son origine dans cette victoire lors du GP de Monaco.
Bien qu'il ait remporté plusieurs classiques, comme Amstel Gold (la même année que celle où il remporta le Grand Prix de Monaco), il n'a pas réussi à vaincre le Cannibale là où il aurait tant aimé le battre.
Mais il aura toujours pour lui cette Course Perdue sur la Côte d'Azur.
Pour en savoir plus sur les courses qui n’existent plus mais qui n'ont pas été oubliées, consultez notre série des Courses Disparues.
Footnotes: