Isabel Del Real : Un vélo, un kit de dessin et un roman graphique plus tard

Isabel Del Real – cycliste de longue distance, auteur et illustratrice – est venue à Nice pour nous partager son histoire. La cycliste et aquarelliste a animé une conférence au Café au sujet de son aventure à vélo. Après avoir obtenu son diplôme en droit à Paris, Isabel a décidé de tout laisser derrière elle et de se rendre à vélo de Bretagne à Téhéran (« une destination aléatoire que j’ai choisie pour choquer ma grand-mère »)

« Je voulais prendre la route de la soie et voir ces endroits dont j’avais entendu parler »

Pleine d’imagination, Isabel a construit son vélo qui est devenu son compagnon de voyage avec l’aide de ses amis, un Surly Orge équipé de sacoches d’occasion – conçu pour explorer et rouler plus loin. Elle partie donc vers l’est pour voir les montagnes.

Chkhara est le point culminant de la Géorgie [5,193m], situé près de la frontière russe, dans la région de Kabardino-Balkarie en Russie du nord, et dans la région de Svaneti en Géorgie du Sud.

Elle a documenté son périple avec des aquarelles dans un journal de voyage et a ainsi crée un roman graphique intitulé Plouheran (Plouër-sur-Rance, son petit village de Bretagne, et Téhéran le but ultime).

Voici un résumé de son expérience et quelques conseils pour ceux qui souhaitent se lancer dans l’aventure bikepacking, comme elle nous l’a expliqué lors de la conférence au café.

Le parcours

« C’était ma première expérience en bikepacking seule. Tout était nouveau.
Il m’a fallu prendre confiance. Lorsque l’on bivouaque seule, il faut partir à la recherche d’un endroit pour s’installer : soit près des villes, soit très loin. Il ne faut pas craindre les bruits et les craquements ou encore les odeurs. « Où vais-je prendre refuge ? Où vais-je cacher ma tente pour être discrète et ne laisser aucune trace ? » »

« Mes premières frayeurs ont eu lieu en Lozère après une nuit passée sur le lieu de la légende de la bête du Gévaudan. Puis tout fut oublié. Peut-être le loup n’avait-il pas si faim. »

« Puis en Italie, à Venise, j’ai rencontré Sebastiano, et je l’ai suivi jusqu’en Slovénie. Puis à travers les Balkans en Grèce et en Turquie. En chemin, j’ai rencontré d’autres voyageurs avec qui j’ai partagé des tronçons de route ou encore des repas. Ça nous arrivait d’improviser une cuisine avec des bouteilles de gaz, toujours avec les étoiles au-dessus de nous pour le divertissement. »

« En Turquie, j’ai fait une pause, dessiné et essayé de perfectionner mes compétences. Une visite de mes parents et un petit colis du Café du Cycliste m’ont fait chaud au cœur. Lorsque j’ai quitté Istanbul, je savais quelques mots turcs pour parler aux gens. J’ai pris le ferry pour traverser le Bosphore. J’ai traversé des paysages désertiques, parfois seule mais souvent avec des compagnons de voyage puis j’ai longé la mer Noire, avec une végétation luxuriante et aussi beaucoup d’humidité. »

“Et finalement je suis arrivé en Géorgie, avec sa fameuse montagne à escalader avant l’hiver : le Chkhara. Mais je devais être rapide, car les ours se préparaient à hiberner, alors mieux vaut ne pas traîner trop longtemps...”

« Une courte visite de l’Arménie avant de me rendre en Iran (ses frontières s’ouvrent après deux ans) où j’ai parlé le farsi, rencontré des expatriés et atterrit à un festival de musique. A la fin du voyage : 15000 kms, 10 mois, Téhéran et le dessin... »

Si vous êtes curieux d’un tel voyage, vous pouvez lire Ella Maillart, Parmi la Jeunesse Russe ou La Voie Cruelle (un voyage en voiture de Genève à Kaboul en Afghanistan). Assez pour vous transporter et vous donner quelques envies.

Le roman graphique

« Grâce à ce voyage, j’ai trouvé autre chose ; dessiner et écrire des histoires, raconter ce que je vois à travers des bulles de bande dessinée... Je suis partie sans l’idée de dessiner au début. Puis, cela est devenu aussi important que le voyage, sinon plus. »

« J’ai tout lu et écouté, j’ai également pris des notes pour ensuite raconter mon histoire. Il a fallu créer un récit, des chapitres, des personnages... J’ai écouté les podcasts de Riad Sattouf et lu Marjane Satrapi, en prenant des notes et en dessinant dans mon livre Moleskine noir. De là, il est devenu un plus grand carnet de croquis et un kit d’aquarelle. »

« Au fur et à mesure que j’avançais, au fur et à mesure que le voyage progressait, mes dessins et mon « histoire » progressaient. J’aime transmettre des émotions à travers la couleur, mais tout a été improvisé. Tout s’est articulé naturellement au fur et à mesure que j’avançais, parce que j’étais seule pendant très longtemps. J’avais l’esprit libre pour développer un récit.”

« J’ai dessiné mon personnage blond pour le différencier un peu de moi, c’est plus facile pour raconter une histoire intime, autobiographique. Pour raconter une histoire sincère. »

« Je me suis inspirée de beaucoup de romans graphiques américains. Mais je ne suis pas particulièrement de codes ou de normes. C’est une histoire autobiographique mais ponctuée de parties libres parfois plus contemplatives. »

« Une année de dessin, d’illustrations et de dialogue a permis à mon style de mûrir et de prendre confiance en mon travail. C’est avec mon esprit accroché aux pédales que j’envisageais de dessiner des BD. »

« Je ne me suis pas forcé, j’ai juste aimé la balade et ça m’a rendu heureuse. »

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