Qu'est ce que la Longue Distance?
Du cercle intime des grands rouleurs, passé de l'autre côté de la barrière au point charnière de la culture populaire. La Transcontinentale, la French Divide, la TransAm Race - le cyclisme ultra distance est maintenant dans les normes..
Il est lié a un long (oui, on sait ...) et profond passé Français, mais comme d'autres sports extrêmes, ayez une conversation avec un étranger et la question reste la même - 'mais pourquoi'?
Les Trois Amigos - Matthieu, Elisabeth et Gregory - de Due North, l'aventure du magasin de Nice à celui de Londres, tentent d'expliquer le quoi, le pourquoi, le comment et ce que la longue distance leur rend si bien.
QU'EST CE QUE LA LONGUE DISTANCE?
MATTHIEU
Notre discipline, notre façon de rouler, s'inspire de la tradition Audax, des randonnées sportives, des Brevets de Randonneurs Mondiaux.
La distance est une donnée très subjective, mais je crois que l'on peut commencer à s'inscrire dans 'la longue' quand on passe à minima la journée sur la route, ce qui ouvre la porte à des trajets tournant autour des 200 km et tout un champs de possibilités sur le type de parcours.
Une fois cette expérience acquise, il devient naturel de rallonger les journées, d'emprunter la nuit, d'être en autonomie complète pour faire face à chaque situation et continuer d'aller voir un peu plus loin.
Ici s'ouvre alors la possibilité des grandes traversées allant de quelques jours à plusieurs semaines, dans un cadre amical ou s'inscrivant sur des épreuves officielles.
ELISABETH
C'est une façon de rouler qui existe depuis les débuts du cyclisme et qui combine à mon sens un aspect d'endurance et de voyage. La tradition de la randonnée au long cours ne s'est jamais perdue, et s'est perpétuée en France dans des épreuves comme Paris-Brest-Paris, les diagonales, les flèches, etc.
Il me semble qu'on peut commencer à parler de longue distance au delà de 200 km par jour, avec roulage de nuit. Ce que nous avons fait en avril est à la limite de la longue distance.
Dans la pratique sportive, la longue distance modifie la notion de performance : on ne parle pas de moyenne de roulage mais d'un temps de déplacement global pour aller d'un point A à un point B. La gestion des pauses est plus importante que la vitesse sur le vélo. Elle implique également une vraie connaissance de son corps, notamment au niveau du sommeil, de l'alimentation et de l'hydratation - et bien sûr de la récupération. Un vélo de longue distance doit donc être avant tout un vélo sur lequel on se sent bien, confortable avant d'être performant.
GREGORY
La longue distance représente l’école de l’humilité et de la patience.
C’est quelque chose qui demande beaucoup de prudence car rien ne se passe comme prévu et cela demande une capacité a sortir de sa zone de comfort, peu importe la taille de celle ci.
POURQUOI FAIS-JE DE LA LONGUE DISTANCE ?
M:
Pour combler deux aspects de ma personnalité.D'un côté j'ai une nature contemplative et curieuse, et d'un autre j'avoue être nerveux et avoir du mal à me canaliser au naturel.
La pratique hypnotique, binaire, du cyclisme a su régler mon énergie, lui trouver son rythme. Elle me permet de trouver l'équilibre entre cette dépense énergétique inutile et mon oisiveté naturelle en lui donnant un sens, devenant le moteur (au sens littéral du terme) de ma curiosité.
Elle me permet d'avancer, de découvrir de nouveaux lieux, de gravir de nouveaux cols, de prendre plaisir au pilotage d'une machine bien réglée mais également de ramener du contenu graphique de ces aventures qui deviendra l'axe principal de mon quotidien professionnel entre deux sorties.
E:
D'abord, je ne fais pas que cela, ma pratique habituelle, ce sont des vacances à travers la France avec des journées de 120 / 150 km par jour, sans regarder le chrono, pour me promener.Ensuite, je fais de la longue distance parce que cela correspond bien à ma physiologie et à ma psychologie : je suis endurante et persévérante, je ne souffre pas vraiment de l'effort sur la durée. Je me suis avérée être bien plus à l'aise sur les longues sorties que sur les efforts brefs et intenses.
Comme tout le monde, j'aime savoir où sont mes limites, et je prends plaisir à relever des défis réalistes.
Enfin, je garde un émerveillement intact devant la distance qu'on peut traverser sur un petit tas de ferraille de 10kg à la seule force de ses mollets. Je n'ai pas de voiture, rouler loin à vélo, c'est une forme de réaction envers certains comportements de certains de mes contemporains - aller chercher le pain en voiture… 1 tonne de ferraille pour trimballer un humain de 70kg !
G:
Car je cherche quelque chose, quelque chose que le quotidien ne peux pas m’apporter, une routine différente, un regard neuf sur les choses.Une douche prend une toute autre dimension quand c’est la première depuis 3 jours, un texto encouragement donne des ailes même a 1000km de distance alors qu’on pense abandonner et à rentrer a la maison.
Ce sont ces emotions que je recherche et que la longue distance m’apporte. Se perdre pour mieux se retrouver en somme.
DE QUOI A-T-ON BESOIN POUR FAIRE DE LA LONGUE DISTANCE ?
M:
L'aspect mental est personnel, il est fondamental de trouver son équilibre et dans une certaine mesure un sens à nos errances. Ou tout du moins de nous y faire croire.Une fois acquise l'expérience physique et mentale j'attache de l'importance à avoir un matériel de qualité et adapté. Un vélo bien équilibré entre confort et rendement, une position agréable qui se fera oublier, une solution de bagagerie pratique et l'équipement textile dédié.
Si les embûches et pépins feront toujours partie de l'histoire, partir avec du matériel conçu et éprouvé pour de longues heures en action est un réel bénéfice. Il permet de se focaliser sur les choses importantes en n'étant que peu perturbé par les petits traquas.
Et d'un couteau, un couteau ça sert toujours.
E:
D'abord il faut en avoir envie. Il y a plein d'autres formes de cyclisme, celle-ci n'attire pas forcément tout le monde.Ensuite il faut un bon entraînement. Pas forcément ultra sportif, mais il faut acquérir une habitude des longues heures de selle. Il est indispensable d'avoir trouvé les bons réglages de la position sur le vélo pour ne pas se blesser. Il est important d'avoir testé et validé son matériel pour ne pas se retrouver coincé bêtement par un problème matériel.
Enfin, il faut avoir le goût de l'effort et une certaine envie du dépassement de soi, ainsi qu'une forme de patience. C'est important de bien s'entendre avec soi même et de savoir où s'arrêter pour ne pas se faire mal. C'est une discipline qui rend introspectif et contemplatif, ça calme les grands nerveux…!
De mental, beaucoup de mental.
Peu importe la distance, le temps altère les emotions, qui prennent des dimensions tout autre (passer du rire au larmes en moins de 5 minutes), et cela requiert une capacité a tricher avec son cerveau pour lui faire croire que tout va bien.
QU’EST CE QUE JE TIRE DE LA LONGUE DISTANCE ?
M:
Une sensation de hors temps. D'un réel irréel. Toute temporalité évolue, se distord, au bout de quelques jours l'aspect animal prend une part plus importante de nos comportements, les sens s'aiguisent, les sentiments aussi.Une satisfaction. Celle rétrospective d'avoir parcouru 'tout ça' sans l'aide de personne, d'avoir transpercé la vie d'un pays comme une flèche silencieuse et d'y avoir élu son terrain de jeu.
Des histoires d'amitiés hors normes.
Qu'est-ce que je tire de la longue distance ?
Eh bien un sacré shoot d'endorphine !
Et le plaisir d'un long voyage, qui se déroule comme un film quasiment ininterrompu. Et la satisfaction d'être allée loin avec des moyens mécaniques simples. Et enfin une pause dans le quotidien, car les seules préoccupations sur le vélo sont d'ordres esthétique devant le paysage, physique et logistique, à très court terme. On est en quelque sorte contraint à l'immédiateté et ça fait du bien.
G:
Des souvenirs, bons ou mauvais, mais inoubliables. Des amitiés aussi, parfois inattendues et souvent fortes et surtout, une perspective différente sur le monde car les attentes sont moindres quand on voyage avec un vélo et son sac de couchage.Footnotes: