L'ATLAS MOUNTAIN RACE PAR SOPHIE POTTER.
Notre intrépide Sophie Potter revient tout juste de l'Atlas Mountain Race (AMR), une course ultra qui traverse le massif de l'Atlas au Maroc, puis l'Anti-Atlas avant de finir à Essaouira. L'affaire est bien sérieuse : 1300km et 21000 mètres de dénivelé sur le sable, les rochers et des chemins de l'ère coloniale. Sophie nous raconte...
Tu es partie au Maroc trois semaines avant le début de la course - était-ce pour les tajines ?
Juste avant d'arriver, j'ai passé deux mois à m'entrainer sur mon home trainer, donc je voulais vraiment me refamiliariser avec mon vélo, surtout sans sacoches. Cette période m'a permis aussi de perfectionner ma position à vélo, de me familiariser avec les températures marocaines et choisir les bons vêtements et sac de couchage. Malheureusement je suis tombée malade durant ces trois semaines et j'ai eu une toux si fort que je me suis fracturé une cote... J'ai du me reposer et je n'ai pas pu faire autant de repérage que je voulais.
Tu peux nous en dire plus sur ton équipement ? J'ai roulé sur un hardtail Scott que j'avais acheté d'occasion. Avant la course, j'ai parcouru environ 3500 km avec ce vélo, y compris sur le parcours de la Silk Road Mountain Race et la Pamir Highway, où il est monté jusqu'à plus de 4700 m d'altitude sans aucun souci. Il est parfaitement équipé avec des pièces légères mais robustes. J'ai ajouté des aérobars pour soulager mes mains, mais j’ai quand même perdu la sensibilité dans 6 de mes doigts mais heureusement pas la force. En tout j'avais un poids de 10kg.
Qu'as-tu emporté dans tes sacoches ?
Je choisis le matériel le plus léger possible, sans faire d’impasse sur l’essentiel pour terminer la course. Certaines personnes prennent des risques car leur objectif premier est de gagner, ce n’est pas mon cas. Je souhaite pouvoir terminer avant même de parler de classement. Je n’ai en revanche que l’essentiel et ne prends pas les “au cas où”.
En ce qui concerne la sacoche de cadre, j'y range principalement du matériel électronique, comme deux batteries de 10 000 mAh, un chargeur, des câbles, ainsi qu'un multitool, une pompe et un kit de réparation tubeless. J'y garde également tous mes documents, de l'argent et de la nourriture. Pour le reste de la nourriture et les électrolytes, j'ai deux Food Pouch. Dans la sacoche de top tube, je stocke les essentiels : crème solaire, lunettes de vue, crème hydratante et stick à lèvres.
Quant à la sacoche de selle, j'y ai toujours une trousse de premiers secours, un kit de sommeil, une veste chaude, des jambières et des gants. Je n'avais pas prévu de vêtements de rechange, à l'exception d'une paire de chaussettes chaudes pour la nuit et un cuissard. Toutes les 12 heures, je changeais de cuissard, en faisant sécher l'autre sur ma sacoche arrière. Comme il y avait peu d'eau dans la nature au Maroc, les toilettes turques des petits magasins équipées d'un petit robinet sont devenues ma douche quotidienne et ma laverie!
Quels sont tes essentiels réparations sans lesquels tu ne pourrais pas partir dans de telles exportations ?
Sans aucune hésitation, l'huile pour la chaîne ! Et un kit de réparation tubeless, du liquide préventif, une chambre à air (fixée au cadre), des démonte-pneus, deux pompes (une de secours, légère à 30 g), un multitool, une paire de clips de chaussures de rechange, des serflex, du ruban adhésif américain, deux paires de plaquettes de frein, une pince, un maillon rapide pour la chaîne et une patte de dérailleur. En résumé, tout ce qu'il faut pour faire avancer le vélo et le réparer facilement en cas de besoin.
Et pour dormir, comment t'organisais-tu ?
En général, je préfère dormir à l'intérieur pendant les courses car c'est là que je récupère le mieux. Cependant, pour l'AMR, je savais que ce ne serait pas toujours possible. J'ai donc opté pour un matelas gonflable ultra léger et un sac de couchage avec une température de confort de 2 degrés (450g).
Comment était l'ambiance la veille du départ ? Nelson, le directeur de la course, nous a informé en début d'après-midi que le départ de la course était retardé de 24 heures par la police à cause des tempêtes prévues. Étant quelqu'un de très stressé, je n’avais pas réussi à dormir depuis trois nuits, j’ai donc accueilli cette nouvelle avec un soulagement. Je pouvais essayer de dormir une nuit de plus. Le départ était incertain jusqu'au lendemain 16 heures...Finalement, Nelson a confirmé que le départ n'était pas garanti mais nous a tout de même invités à nous rendre sur la ligne de départ à 17h30.
As-tu des rituels pour les très intenses premières 24h ?
Le départ étant donné à 18 heures, la nuit tombe rapidement, créant une sensation d'épuisement. Malgré l'envie de dormir, je m'efforce de ne pas m'arrêter avant les premières 24 heures. Vers 3 heures du matin, après 120 km, je fais une mini pause au CP1 pour manger. Les heures suivantes sont les plus difficiles jusqu'au lever du soleil vers 7h30 puis l'adrénaline prend le relais pour garder l'éveil. Pour les arrêts, j'ai une idée des endroits et de ce que j'y trouverai, mais je reste flexible car tout peut changer en cours de route. Je prends mes décisions au fur et à mesure de ma progression.
As-tu souvent roulé en compagnie d'autres coureurs ?
Sur l'AMR, avec plus de 200 participants, les premières nuits sont animées, puis les écarts se creusent progressivement. Pendant les premières 24 heures, je suis souvent avec Romain, avec qui je partage un rythme similaire. Aux 3e et 4e jours, je croise régulièrement les mêmes cinq coureurs. Ensuite, après une pause prolongée au CP3 le 5e jour, je rencontre de nouveaux visages. Parfois, nous discutons, parfois non, et parfois nous partageons le même lieu de repos. C'est une expérience enrichissante et une première pour moi!
Peux-tu nous en dire plus sur ce que tu manges pendant la course ? Où dors-tu généralement ? Et comment gères-tu l’eau dans le désert ?
En ce qui concerne la nourriture, j'ai initialement emporté 24 heures de provisions et j'ai complété avec ce que j'ai pu trouver en chemin. Les petits magasins proposaient un assortiment de biscuits, souvent emballés individuellement, avec une préférence pour ceux contenant des dates, riches en glucides. Les boissons gazeuses étaient également disponibles en abondance. Dans les grandes villes de la course, il y avait des restaurants et fast-foods, tandis que sur le reste du parcours, les petits magasins proposaient principalement des omelettes berbères avec du pain. J'ai dormi à la belle étoile 3 fois et 2 fois aux Check point, a chaque fois entre 4 et 5 heures. Pour l'eau, je prévoyais en fonction des distances entre les points d'eau et avais toujours entre 2 et 3 litres avec moi, parfois plus en emportant des sodas.
L'équipe de Café te suit sur les trackers et sur les réseaux sociaux, et nous voyons que tu commences à rencontrer des problèmes de santé qui te ralentissent... Je fais attention à bien manger, boire et dormir, mais cependant, les problèmes sérieux ont commencé le quatrième jour, lorsque mon infection pulmonaire, que je pensais résolue, est réapparue en raison de la fatigue, de l'effort, de la poussière et de l'air sec. Elle s'est aggravée pour se transformer en crise d'asthme les deux derniers jours. Au CP3, je me suis arrêtée pour dormir quatre heures. J'ai remarqué que mes jambes étaient très gonflées depuis le deuxième jour, et que je commençais à avoir une crise inflammatoire. J'ai essayé de gérer cela avec des médicaments et en surélevant mes jambes pendant que je dormais, mais cela n'a pas fonctionné comme prévu. L'idée d'abandonner ne m'a jamais effleuré l'esprit, car j'ai l'impression que si je m'arrête, la crise inflammatoire gagne, et ça je ne veux pas. Je reprends donc la route malgré la douleur, en découpant le bas de mon cuissard pour soulager la pression. Je croise William, qui pédale en jean et en Vans, et nous faisons un bout de route ensemble. Petit à petit, kilomètre par kilomètre, je parviens à maîtriser la crise pour la contenir au minimum. Finalement, avec les 90 derniers kilomètres, un vent de face s'ajoute au défi. Je peux alors donner tout ce qu'il me reste dans les jambes pour terminer la course. Je dépasse cinq personnes et j'arrive enfin.
Sophie franchit la ligne d'arrivée, il est 5 heures du matin et ses amies sont là pour l'accueillir. Physiquement, elle ressent des signes de fatigue : ses jambes sont gonflées, elle tousse beaucoup, mais curieusement, elle ne ressent pas de douleur aiguë. Après avoir fait tamponner sa carte de brevet, elle décide de repartir à vélo avec ses amies, qui l'accompagnent jusqu'à l'hôtel. Là-bas, elle retrouve Adrien Liechti et un délicieux hamburger qu'il lui a acheté. Cependant, au réveil les douleurs commencent à se faire sentir. Un passage à l'hôpital révèle qu'elle est en crise d'asthme, ce qui explique les difficultés rencontrées lors du dernier col. Il lui faudra quelques jours pour récupérer, mais elle garde en mémoire les défis surmontés et les leçons apprises lors de cette incroyable aventure.
Pour Sophie, l'aventure commence véritablement à la ligne d'arrivée. Cette fois-ci, elle se dirige vers le sud, en direction de Dakar, accompagnée d'Adrien Liechti, et elle se trouve actuellement en plein milieu du Sahara, et nous lui souhaitons une bonne route !