DU RÊVE À LA RÉALITÉ

Bikepacking au Tadjikistan, dans la vallée du Bartang et dans le Corridor du Wakhan

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Il y a t'il quelque chose de plus excitant que rouler après ses rêves ?

Ces dernières années j'ai rencontré de nombreux cyclistes qui m'ont fait part d'incroyables histoires au Tadjikistan alors l'année dernière quand mes plans de voyage au Pakistan se sont envolés en même temps que les prix des billets, le Tadjikistan s'est imposé comme une évidence.

C'était la parfaite opportunité de rouler la Pamir Highway et de découvrir deux autres vallées : le Corridor du Wakhan et la vallée du Bartang.

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L'excitation du voyage s'est vraiment faite ressentir au printemps. Nous avons démarré la saison par des rides de plus en plus long l'après-midi à mesure que les journées s'allongaient aussi, toujours avec le Tadjikistan en tête. Même si ce printemps s'est avéré pluvieux et froid, le mauvais temps nous a permis de prendre le temps de bien faire nos recherches sur notre route. Je suis du type à y aller un peu à l'instinct mais le Tadjikistan recquiert plus de planning - visas et permis sont nécéssaires pour rouler au travers du Badakhshan et j'ai aussi contacter plusieurs bikepackers au Kyrgyzstan pour savoir si les innondations avaient impactés les routes.

Le bikepacking est bien plus que du vélo, du moins pour moi, c'est faire partie d'une grande communauté de personnes qui voyagent sur deux roues, qui apprécient leur entourage changeant, les gens, la nourriture, les paysages.

Notre voyage démarre à Samarkand en Ouzbékistan, une opportunité pour explorer cette magnifique région d'Asie centrale. C'était intense, nous sommes tombés amoureux des paysages de Samarkand et sa région. Les rues traditionnelles, les quartiers vivants. Nous nous attendions a une foule et une ville très moderne mais nous avons trouvé l'inverse.

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Notre aventure devait continuer, et nous reprenons la route vers Khorog, encore bien loin. Avec seulement un mois de congés, nous utilisons tous nos jours d'un seul coup, il a fallu mixer les modes de transports. Nous avons traversé plusieurs frontières, négociant chacun de nos passages, en portant nos vélos et notre équipement, en prenant garde au trafic chaotique et aux routes délabrées. Une expérience mentalement épuisante. En lisant cela, vous vous demandez sans doute pourquoi des cyclistes iraient si loin pour explorer l'Asie Centrale ?

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La réponse s'est clairement imposée lorsque nous avons commencé à rouler à Khorog, laissant derrière nous le chaos en ne se concentrant que sur la route. Nous étions finalement à vélo pour de bon, un peu désorientés mais prêts à explorer le légendaire Corridor du Wakhan, une frontière naturelle entre l'Afghanistan et le Tadjikistan. Cette région riche en histoire et en aventures attire autant les cyclistes que les motards et les alpinistes. Malgré son terrain montagneux, le Corridor du Wakhan est une route vitale depuis des décénnies reliant le Badakhshan avec Yarkand. On raconte même que Marco Polo serait passé par cette région reculée.

Nous étions finalement là, mais nous ne réalisions pas encore ! À cause de la présence militaire dans la région, le camping ou le bivouac n'était pas une option. Nous sommes restés dans des auberges ou chez les habitants tout le long. Relier les villages signifie aussi se connecter avec les habitants. Nous étions constamment invités à prendre le thé, boire une soupe et même à dormir par les locaux. Les premiers jours se sont déroulés tranquillement, une belle météo, des vues à couper le souffle et un terrain parfait pour rouler. Par chance nous avons pu rouler avec Pablo, un ami d'espagne qui traversait la même route que nous. Notre chance à bien fini par s'éssoufler et nous avons commencé à être tous les deux malades : diarrheés et éventuellement une déshydatration assez sévère. J'ai tenu un peu mieux le coup que Diego pour qui un court séjour dans un petit hopital s'est avéré nécéssaire. Nous avons dû nous arrêter quelques jours, nous laissant du temps pour récupérer des forces avant de repartir.

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Ishkashim un des grands villages de la région nous offre l'opportunité de découvrir un marché local tadjik-afghan le samedi matin. Sur cette étroite bande de territoire, les locaux s'échangent et négocient leurs produits et objets artisanaux, aux côtés de marchandises chinoises. Le Piandj serpentant entre les montagnes sert de frontière naturelle entre Ishkashim côté tadjik et l'Afghanistan. En tant que touriste - et en tant que femme - l'expérience m'a beaucoup ouvert les yeux. Laissant mon vélo au refuge, j'ai arpenté les étales du marché où je me suis retrouvée seule, femme et touriste, attirant regards et curiosités. Prenant en compte la situation en Afghanistan, j'ai essayé d'être la plus prodente possible.

Le temps est venu de repartir, avec en vue l'Hindou Kouch, plus proche que prévu, environ 20 kilomètres de l'autre coté de la rivière. Les vues étaient à couper le souffle, nous obligeant à faire des pauses tout simplement pour apprécier. En revanche, la santé de Diego n'a fait qu'empirer au fur et à mesure de notre ascension. Après plusieurs injections intra-veineuses dans un hôpital local et du repos son état s'est amélioré sans pour autant qu'il soit complètement retabli. Nous continuons notre chemin, avec de nombreuses pauses pour échapper à la chaleur et au soleil. L'isolement quasi total du Badakhshan l'a épargné de la plupart des conflits qui ont ravagé l'Afghanistan depuis les années 70. Malgré des décénnies de guerre, cette région a réussi à garder un semblant de paix. De nombreux locaux, des ethnies Pamirs et Kirghizes, sont à peine au courant des violences qui persistent ailleurs dans le pays.

Nous avons du dire au revoir aux wakhis, avec un peu de tristesse. Nous avons profité de leur extrême gentillesse, bienveillance et de leur accueil, nous avons été salués tout le long de la rivière, les enfants nous ont donné des "checks" en passant. Mais il fallait maintenant s'attaquer au Sasok Kul avant d'arriver sur la M41, autrement appelée la Pamir Highway. Le changement de météo est drastique, nous passons de la chaleur des terres au froid et à la pluie de montagne alors que nous grimpont à 4,344 mètres d'altitude. Les hauteurs ressemblent étrangement aux Andes et je ressens une pointe de nostalgie à la pensée de ces montagnes lointaines. Nous avions hâte de passer une nuit en bivouac, à profiter de la solitude, à cuisiner pour nous-mêmes et profiter de notre propre espace. Nous avons énormément apprécié notre temps chez toutes les familles locales mais nous avions un grand besoin de pleine nature. Cette nuit finalement, c'est ce que nous avons eu. Notre seul problème était que nous étions presque à court d'eau et que tous les lacs que nous avons croisés étaient salés. Nous réussissons malgré tout à cuisiner notre diner avec des denrées venant d'Espagne, même un peu d'huile d'olive ! Les pâtes étaient délicieuses, et la nuit de sommeil paisible et reposante.

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Camper en altitude est souvent idéal, avec des températures plus clémentes, un environnement calme et des vues à couper le souffle. Notre matin en revanche s'annonçait un peu compliqué car la route reliant notre campement à la M41 est dans un mauvais état. Une épaisse couche de sable nous empêche de rouler même avec des pneus larges et la route était plus technique qu'en basse altitude. Nos épaules et nos dos commencaient également à se faire sentir, et avec seulement un demi litre d'eau sur nous, il n'y avait pas d'autre option que de continuer. Aux alentours de 10 heures, je dis à Diego que nous devrions bientôt croiser un bus de touristes. Et comme par magie un 4x4 apparait quelques minutes plus tard. Nous faisons signe aux passagers, un groupe de touristes malaysiens qui nous offrent de l'eau, nous sauvant d'une situation difficile. La Pamir Highway nous donne l'impression de rouler sur du beurre. Une série de grandes lignes droites, coupant des paysages lunaires où des nuances de brun, rouge et bleu forment un arrière plan parfait. Nous avions été alertés sur le trafic de poids lourds mais pour nous l'expérience s'est avérée solitaire et sereine. Si nous étions approchés par un camion nous nous déportions immédiatement sur le bord de la route - les conducteurs d'Asie Centrale ne semblent pas très habitués aux cyclistes!

Nous couvront 90 kilomètres lors de cette première journée sur la M41, un pur plaisir. Après plusieurs jours de chemins escarpés nos jambes étaient douleureuses et même si la M41 n'étaient pas parfaite, avec quelques sections en mauvais état, elle est nous est apparue comme la route la plus lisse du monde. Après Murghab nous faisons face à un nouvel ennemi : un vent de face. Durant notre jour de repos à Murghab nous étions très attentif à la nourriture, cuisinant le plus possible nous-mêmes, sachant très bien que nos estomacs ne s'étaient pas encore entièrement remis. Nous nous préparions à la partie la plus difficile de notre voyage, les derniers kilomètres de la Pamir Highway et la vallée du Bartang.

Les derniers 50 kilomètres de la Pamier Highway avec un vent de face nous ont paru une éternité. Nous nous sommes levés tôt avec l'espoir d'éviter les rafales mais dès 11 heures la situation était épuisante. Je portais sur moi 10 litres d'eau supplémentaires pour nous éviter un détour de ravitaillement car nous avions trouvé un raccourci. Bien chargés et déjà sur le plus haut plateau de la région nous débattions avec le vent. Les rafales étaient si fortes qu'elles nous empêchaient de nous entendre, me forcant à mettre mes écouteurs pour atténuer le bruit. Nous passons ensuite deux jours à rouler sur cet incroyable plateau, entourés par de hautes montagnes et des lacs. Je suis tombée amoureuse de cet incroyable isolement et des paysages lunaires. Malgré tous les challenges, la beauté des paysages désertiques de Pamir m'a gardé motivée. Chaque matin nous nous levions à 4 heures pour ranger notre campement et partir avant que le vent ne se lève.

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Après deux jours sur le plateau il était temps de redescendre vers la vallée du Bartang. La descente était compliquée et stressante par endroit, avec des sections raides et rocheuses qui ont mis nos nerfs à mal. Mais les vues étaient à couper le souffle - la rivière juste en dessous entourée d'une nature brute. Cette vue en valait la peine.Bartang signifie "passage étroit", et c'est effectivement ce que nous avons ressenti durant ces cinq jour de traversée. La vallée était une aventure en tout point, de la traversée de rivière à la navigation parmi des roches glissantes et des flaques de boue. Nous étions constamment émerveillés par les paysages, nous laissant béats, bouche ouverte à chaque virage. Une fois que nous avons commencé à rencontrer les locaux de la vallée nous réalisons que leur hospitalité n'a aucune égale. Nous ne pouvions pas nous empêcher de nous demander quand cette vallée deviendrait un endroit attractif pour les touristes.

Nous partageons quelques jours avec Asier un autre cycliste espagnol. Nous avions tous le même rythme et les mêmes buts. À la base, Bartang paraissait un peu compliquée en terme de campement, mais elle s'est avérée être une vallée idéale pour camper. Nous étions chanceux de trouver des oasis dans cette région plutôt sèche et poussiéreuse. Nourris par les glaciers, le vert de la végétation des oasis se démarquaient, dans un décor autrement nu et beige. Les villages, tous connectés à un point d'eau apparaissaient comme des petits points verts au milieu d'un désert de haute altitude. La meilleure partie de la vallée du Bartang était sans aucun doute nos interactions avec les locaux, notamment au village de Savnob, qui est devenu le point fort de tout notre voyage. Malgré la barrière de la langue, j'ai passé un après-midi à jouer des jeux traditionnels avec les enfants du village, créant un lien qui transcende nos languages.

Nos derniers jours à Bartang nous ont paru irréels alors que nous roulions dans un canyon étroit au bord de la rivière. Le canyon nous a laissé bouche-bée durant les deux derniers jours. Il nous offre une nouvelle perspective sur les paysages que nous avions vus jusqu'àlors. Sans aucun doute la vallée du Bartang est le point le plus marquant de notre voyage. Je n'arriverai pas à remercier suffisament toutes les personnes incroyables que nous avons croisées sur notre chemin. Des tomates fraiches, aux abricots du jardin, au pain frais (ou moins), au thé et aux embrassades de femmes qui m'ont pris dans leurs bras comme des mères - voici mes souvenirs du Tadjikistan, et surtout du Badakhshan. Malheureusement, chaque bikepacking doit se terminer mais je n'oublierai jamais ce voyage.

Photos par Ana Zamorano et Diego Borchers.
Texte par Ana Zamorano.

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