Les Courses Disparues #5 : Mont Faron
"Viens poupoule, viens poupoule, viens..." C'est ainsi que chantait Félix Mayol, l'acteur et chanteur qui fut l'étoile la plus brillante de Toulon pendant les premières décennies des années 1900. Il est revenu pour tirer le coup d'envoi au pistolet, libérant les coureurs pour poursuivre le sommet de la ville et la ligne d'arrivée au somment de notre dernière Course Disparue - Mont Faron.
Mayol n'était peut-être pas au même niveau que les stars hollywoodiennes qui ont honoré Cannes, mais cela convient en quelque sorte au port de Toulon avec ses chantiers navals, son équipe de rugby et sa forte identité populaire.
A son apogée, 50.000 supporters ne se contentaient pas d'apercevoir le fils prodigue de la ville, mais aussi les meilleurs coureurs cyclistes d'Europe. Les journaux pionniers l'Echo des Sports et Le Journal avaient fait leur travail en convertissant leur lectorat au spectacle des courses cyclistes sur la Côte d'Azur.
A l'origine en 1920, c'est un parcours en ligne, la première itération de la course s'est déroulée dans le même format qu'une course sur route classique, mais avec une différence. Avec seulement cinq kilomètres de longueur mais 500 mètres de dénivelé, le calcul est facile à faire - un sur dix et donc un pour les grimpeurs.
Le Mont Faron était leur amphithéâtre, dominant Toulon. Le parcours emmènerait les coureurs de l'Hôpital Maritime, par la route étroite et sinueuse et au-delà du 'Trou du Diable', un ravin de plus de 100m de profondeur et dont le dénivelé atteindrait plus de 14%, avant d'atteindre le sommet.
Un ingrédient spécial des Courses Disparues était la capacité des amateurs à se confronter aux grands noms. Louis Minardi était un grimpeur spécialiste des cols Niçois, qui a couru pour l'A.V.A.N, le club cycliste. En 1930, il remporte à la fois la course à La Turbie et le G.P de Nice. Mais peu de gens prédisaient qu'il serait capable d'affronter les coureurs professionnels de toute l'Europe, dont nul autre que les puissants frères Pélissier.
L'autre ingrédient magique de ces courses c'est que, étant sur un jour, et parfois sous forme de petits évènements, les miracles arrivent. Du départ à la fin Minardi était complètement déchainé. Au moment où il atteind le Trou du Diable il a déjà creusé l'écart de plus de 100 mètres, sans se retourner il franchit la ligne d'arrivée avec 500 mètres d'avance sur le peloton de tête.
Le Mont Faron s'est avéré être un tremplin pour Minardi. Il gagne au Mont Agel quelques semaines plus tard et prend la troisième place au prestigieux GP de Cannes. Il finit par se faire un nom sur le circuit des demi-fond, devenant champion de France en 1939.
Après la guerre, en 1952, un contre-la-montre est ajouté au programme de la course. Le parcours du contre-la-montre différait du parcours en ligne, commençant près d'Hyères plus à l'ouest le long de la côte, passant par La Valette et Toulon, pour finir par la célèbre ascension du Mont Faron (5 km). Au total, environ 26 km, le départ plat et l'arrivée au sommet nécessitaient un mélange de vitesse et de grimpée contrôlée qui ferait de cette course un défi unique.
Il est bien documenté que l'Éternel Second, Raymond Poulidor, pouvait grimper avec les meilleurs d'entre eux mais son passage sur la plus haute marche du podium a été bloqué par Monsieur Chrono lui-même, Jacques Anquetil.
En 1961, la course du Mont Faron marque un tournant décisif pour Poupou, au cours de la saison où il se révèle être un véritable concurrent. Il a remporté Milan-San Remo avec un style époustouflant, surprenant tous les favoris, laissant Rik Van Looy perplexe quant à l'identité de ce jeune Français.
Au chrono du Mont Faron, Anquetil, Bahamontes, Bobet et Dotto étaient tous sur la liste de départ. Poulidor se mesurait aux maîtres de chaque disciplines.
C'est dans la deuxième partie de la course, la montée, que Poulidor a fait sa marque en signant un temps de 16 secondes devant l'Espagnol. Les résultats ont confirmé son potentiel et les journaux ont titré : 'Poulidor meilleur grimpeur que Bahamontes !'. Le reste est de l'histoire, bien qu'avec le recul, les gros titres auraient peut-être dû être 'Poulidor bat Anquetil contre la montre'.
Cependant, Bahamontes était le vrai roi de Faron. Il avait une affinité avec les courses de la Côte d'Azur, remportant sa première victoire professionnelle en 1954 sur une course similaire Nice - Mont Agel, une course en ligne, puis un an plus tard, sa première victoire sur Faron.
Alors que certains des meilleurs cyclistes n'ont choisi que le TT, Bahamontes a pu apprécier la perspective d'une course de grimpeur pur, et participeraient régulièrement aux deux, vraisemblablement pour affiner sa forme en début de saison. Ça a marché. Il a remporté la course en ligne à trois reprises et a remporté quatre titres contre-la-montre, remettant ainsi Poulidor dans sa position naturelle. L'Aigle déploya ses ailes au-dessus du Mont Faron.
La dernière manche du Mont Faron en 1970 fut un début pour le jeune Bernard Thévenet, qui remporta sa première victoire en professionnelle. La course a peut être été oubliée mais l'ascension est restée emblématique, avec le Tour de 1957, le Paris-Nice à plusieurs reprises (incluant un nouveau prix de descente tout comme le récent et controversé projet Giro d'Italia) et fait partie du Tour Méditerranéen. Mais hélas la route est trop étroite et les courses et leurs caravanes sont trop grandes.
Bien qu'elle ait été jugée trop 'petite' par les pouvoirs en place, elle est ici, dans notre région, prête à être escalader et beaucoup peuvent attester qu'elle est bien plus 'difficile' que 'courte'.
NOTES POUR LES COUREURS
Un système de sens-unique est maintenant en place sur la route qui monte et descend le Mont Faron. Si vous voulez faire votre propre parcours en ligne, suivez simplement le SEGMENT STRAVA du Mont Faron.
Pour profiter de la région, nous vous suggérons de vous diriger vers l'ouest en direction de Bormes-les-Mimosa et de suivre l'itinéraire magnifiquement décrit par Jean Bobet, La Volupté.
Pour en savoir plus sur les courses qui n’existent plus mais qui n'ont pas été oubliées, consultez notre série des Courses Disparues.
Photography : Antton Miettinen