Dans La Nuit
« Rage, enrage contre la lumière qui se meurt. »
Saviez-vous que le col d'Èze ne se trouve qu'à 2 km de notre camp de base, sur le vieux port de Nice ? Did we tell you that already? Nul besoin de dire que nous en connaissons chacune des pentes, chacun des virages et tout le panorama de la Grande Corniche. On ne s'ennuie jamais en faisant l'ascension de King Kelly. Mais à toutes les pauses déjeuner, cela peut s'avérer un peu lassant à la longue.
Essayons de corser l'affaire. Peu sont ceux qui, comme les professionnels, peuvent se permettre le luxe de dormir jusqu'à ce que leur corps soit reposé et de profiter des quelques heures de soleil en hiver pour rouler. Le commun des mortels doit choisir entre une séance d'entraînement en intérieur ou rouler lumières allumées. Si l'on veut pédaler aussi longtemps qu'en été, en hiver il faut se rapprocher du cœur de la nuit.
Pourtant, rien de nouveau sous le soleil. Les étapes de la première édition du Tour de France étaient tellement longues qu'elles se disputaient pour partie de nuit. Ils étaient endurants à cette époque, surtout lorsque l'on songe que la toute première étape du Tour ne faisait pas moins de 467 km de long... Aïe ! Le départ de la dernière étape de ce Tour de France mémorable fut donné à 21 h afin que les coureurs puissent finir l'étape près de Paris avant la tombée du jour suivant.
Rien d'étonnant à ce que les concurrents recherchent un peu d'aide en s'appuyant sur une moto ou en s'accrochant à un camion pour essayer d'arriver coûte que coûte. Il fallait posséder un mental d'acier pour supporter l'obscurité et les distances interminables. D'ailleurs, nombreux sont ceux qui ont abandonné.
Cette approche « ultra-endurance » des premiers Tours se retrouve aujourd'hui dans des épreuves comme la Transcontinental Race. Cet événement, qui fait chaque année plus d'émules, commence à la nuit tombée, à 22 h, comme pour confirmer que si vous voulez jusqu'au bout, il n'y a pas une minute à perdre. « Je n'ai gardé qu'une image floue et obscure de la première nuit et de la Belgique », nous rapporte un témoin.
Les super-randonneurs - qui savent ce qu'endurance signifie - affirment que rouler de nuit est une expérience magnifique. Même les hallucinations que peut parfois susciter la fatigue sont les bienvenues. C'est du moins ce que nous en dit Michel Icard qui a terminé deux Paris-Brest-Paris et plusieurs Mille du Sud. « On a l'impression de pédaler dans un film de Walt Disney », assure-t-il.
Oui, le silence de la nuit peut être à la fois anxiogène et plaisant. Le col d'Èze est une pure merveille en été. Mais en hiver, la Grande Corniche semble frappée d'hibernation.
Sans les distractions que causent le bruit et la vue, vous vivez la route un peu comme un coureur des 24 h du Mans. Derrière l'Observatoire, vous déroulez votre effort dans un long et étroit tunnel lumineux.
Une fois le fameux croisement des Quatre chemins atteint, la montée peut commencer, accompagnée de froid, d'un silence que rien ne vient troubler et des lumières lointaines qui tapissent la côte et dont les collines se parent comme s'il s'agissait de colliers de diamants. La solitude devient alors votre compagne au fur et à mesure où le monde nocturne vous envahit. Il n'y a plus que vos pédales et votre respiration. C'est grisant.
Pour nos missions nocturnes, nous portons le gilet Jacqueline Audax, le maillot à manches longues Arlette Audax et le gilet Lucette qui comportent tous des empiècements réfléchissants de grande qualité pour ne prendre aucun risque.